De nombreuses légendes lorraines parlent de fées, en particulier dans les Vosges. L’une d’elles, qui s’appelait Polybotte, vivait près de Gérardmer, non loin de la Montagne de Naymont, dans une grotte située au cœur de la Forêt de Martimpré.
Polybotte était la fée la plus puissante et la plus redoutée de Lorraine. Elle dirigeait tout un peuple de gnomes et de lutins, d’elfes maléfiques et de mauvais sotrés. Elle tirait ses pouvoirs du froid et de la neige. Sa cruauté et son mauvais caractère étaient connus de tous les Lorrains. En effet, elle pestait, maugréait, grondait et crachait toute la journée. Polybotte avait un corps de rêve. Pourtant, sa laideur n’avait pas d’égal car son corps était surmonté d’une effroyable tête de vieille femme, toute ridée et fripée. L’infortunée en avait tellement honte qu’elle s’était enfermée dans sa solitude, ne faisant que ruminer son handicap physique. A tel point qu’elle était devenue méchante et grisée. Les Gérômois évitaient donc de s’approcher de son domaine du Saut-des-Cuves.
Un jour, pourtant, un preux chevalier qui accompagnait le Duc de Lorraine à une chasse dans les environs de Gérardmer, s’égara dans l’immense forêt. Il erra toute une journée dans les montagnes, ne sachant exactement où il était. Fatigué et son cheval éreinté, il s’engouffra à la nuit tombée dans la roche à travers une fente pour tenter de survivre dans la forêt vosgienne. Il s’agissait en réalité de la grotte de la redoutable Fée Polybotte. Il s’était à peine installé sur un lit de feuilles mortes que, soudain, il entendit très distinctement une voix. Laquelle voix l’enjoignait de venir tout au fond de la grotte. Intrigué, le chevalier pénétra dans l’anfractuosité et fut surpris d’y découvrir un jardin enchanté, au milieu duquel les elfes préparaient un fastueux banquet. Malgré sa sinistre réputation, Polybotte invita donc le chevalier à dîner. Elle avait revêtu pour l’occasion sa plus belle robe et s’était assise sur un trône en cristal. Le chevalier se montra très poli, accepta de partager le repas que la fée lui fit servir avec beaucoup de diligence. La fée usa alors de mille et un subterfuges pour tenter de le séduire, en vain. Lorsque ce dernier s’apprêta à la quitter à l’aube venue pour repartir chez lui et retrouver sa femme, Polybotte, dans une colère terrible teintée de déception et de jalousie, le changea instantanément en glace. S’il s’était donné à elle, elle aurait pu mettre fin au sortilège qui la rendait si laide. Hélas, le chevalier s’était uniquement fié aux apparences.
Depuis ce jour, même en plein été, l’entrée de la grotte conserve toujours de la glace. Ce lieu maudit est appelé la Fente du Kertoff. On raconte aussi qu’on peut y voir une étrange lueur bleutée qui serait le dôme de glace sous lequel dormirait un chevalier qui avait eu le malheur de ne pas vouloir d’une fée.