Je me souviens d’un temps que les jeunes de soixante ans ne peuvent plus connaître. Etant né au milieu du village près de l’école, de l’église et de la mairie, je ne me souviens guère des premières années de ma vie car mes connexions neuronales n’ont jamais été très performantes. Pourtant mes capacités intellectuelles avaient tout de même dépassé celles des coqs du village qui clamaient leur satisfaction d’exister dès l’aube, fièrement debout tout en haut des fumiers fumants qui se trouvaient devant les travées des écuries du village de Berviller-en-Moselle.
Un jour mes parents m’ont emmené au Vingartsberg, où ils ont décidé de construire leur nid d’amour. Et c’est tout naturellement le Justin, mon père, qui a été extraire les pierres dans une petite carrière sur la colline non loin du Burgseinbroch, une grande carrière de pierres calcaires exploitée par un entrepreneur de Überherrn qui faisait la navette avec ses gros camions qui dévalaient tous les jours la côte du Vingartsberg avec un chargement de pierres calcaires. De ce temps-là, on construisait encore des maisons avec des pierres calcaires. Donc, le Justin, maçon de métier, savait tailler les pierres avant de les monter une à une pour construire la maison familiale.
A présent, au soir de ma vie, je me remémore ces jours, où j’étais un garnement inconscient et que rien ne m’intéressait plus que de courir dans les haies et dans les prés tout en admirant les papillons et les fleurs et en me gavant de cerises, de pommes, de quetsches et autres mets que mère nature m’offrait à portée de main. Je me suis donc posé dernièrement la question de savoir d’où pouvait provenir le nom du lieu-dit Vingartsberg, où j’ai passé une bonne partie de ma jeunesse.
Sachant que les gens de Berviller avaient hérité du sobriquet de Essigloch, il était évident que ce surnom venait du fait qu’ils cultivaient de la vigne et qu’il réalisaient la vinification d’un vin qui tournait assez rapidement en vinaigre. Aujourd’hui, les vins sont traités avec du soufre, afin qu’ils ne tournent pas en vinaigre, ce qui n’était pas le cas à cette époque et naturellement les vendeurs de vinaigre avaient hérité du surnom de Essiglächer (trous à vinaigre) car avant de vendre leur vin qui avait tourné en vinaigre ils avaient certainement déjà éclusé une bonne dose de vin. Par conséquent, comme le vin provient de la vigne et que la vigne aime les côtes exposées au Soleil, le Vingartsberg était un lieu favori pour la culture de la vigne.
Ce qui me fait dire que si je décompose le mot Vingartsberg, cela me donne tout naturellement « Vin » pour vin, « garts » diminutif de Garten (jardin) et « berg », la côte ou la colline. Donc le Vingartsberg était « le jardin du vin sur la colline ».
De nos jours, ces sobriquets sont tombés en désuétude et même l’IA ne pourra plus nous apprendre ce qu’était la vie des petits villages de Lorraine qui avaient chacun leurs particularités.
Rien que de lire votre prose, je me retrouve avec vous dans le village. Tout en finesse, en profondeur, en poésie vous faites revivre un temps révolu mais qui sent bon la vie, la fraternité, la famille. Merci de nous faire découvrir ce joli coin où vous m’emmenez en pensée.