A l’instar des traditions liées au bouquet de gui, celles des étrennes semblent, elles aussi, tout aussi anciennes. Les Romains déjà avaient coutume de s’échanger quelques petits présents à l’occasion de la nouvelle année. Piécettes d’argent, aliments ou vêtements, ces présents marquaient le passage dans la nouvelle année en permettant à chacun d’acquérir quelque chose de neuf. En Lorraine, il semblerait que la tradition des étrennes soit attestée d’assez longue date. Au XIXème siècle dans les Vosges, les enfants avaient coutume, chaque premier jour de l’an, d’aller de maison en maison pour recevoir quelques offrandes, après avoir récité ces mots touchants :
« Dieu a gardé vos bêtes
Et les yeux de vos têtes
Et des larrons, vion, vion !
Le petit Saint Sauvé, vite donc ! vite donc ! »
Une croyance, apparemment assez vivace dans la Lorraine de nos grands-parents, estimait que ce que l’on faisait le premier de l’An, on le faisait toute l’année. De même, dans les Hautes Vosges, on considérait que cela portait malheur de croiser une femme ou une jeune fille le matin du jour de l’An. Ce qui n’empêchait pas les gens, malgré tout, de se souhaiter les vœux.
Car c’est là l’autre grande tradition de la nouvelle année. Dans les premiers jours de janvier, chacun se rend chez ses amis, ses proches et sa famille, afin de présenter ses bons vœux. La carte de vœux, apparue dans l’Angleterre victorienne à la faveur d’un peintre du nom de John Callcott Horsley, n’a jamais vraiment été prisée par les Lorrains. Sauf quand il s’agit de montrer, à des parents exilés à l’autre bout du pays, que l’on pense à eux et qu’on ne les oublie pas. En fait, le Lorrain préférera toujours la rencontre réelle, où l’échange des vœux se fait de vive et intelligible voix et souvent, aussi, autour d’une bonne bouteille. « Bonne année, bonne santé », dit la formule consacrée. Pour les femmes à marier, il arrive parfois que l’on ajoute « et le bébé à la fin de l’année ». Personnellement, je ne résiste pas à l’envie de vous retranscrire ces vœux, en Lorrain roman. Ils sont tendres, simples et pragmatiques :
« Je vos sohâte eune bonne ènnaye et une bonne santaye et totes sortes de prospérité. Y boin guernîn piein de pommes et eune hhieule por y monti. N’ot-ce me tolè eune bèle commodité ? Cent i, cent ans, cent écus par an, i boin tonné d’vîn et lo pérédis é lé fin ! »
Et pour ceux qui ne comprendraient pas notre ancienne langue, voici, à peu près, ce que cela veut dire : « Je vous souhaite une bonne année et une bonne santé et toutes sortes de prospérité. Un bon grenier, plein de pommes et une échelle pour y monter. C’est tout de même plus commode. Une vie de cent ans, cent écus par an, un bon tonneau de vin et le paradis à la fin ».
A la fin de la vie, le paradis … Pas du tonneau, bien sûr !
J’adore. Quel dommage que l’on ait oublié ces belles coutumes au profit du smart phone. Il y avait une certaine convivialité mais surtout un rapport humain. Pour moi, c’est ce qui prime. Pensons quelquefois aux anciens, nous avons tellement de choses à apprendre d’eux. En vous lisant, je revis un peu de mon enfance !