Tout commence par une page de magazine chiffonnée que me tend mon interlocuteur debout devant moi. Elle représente une statue de la vierge à l’enfant. Sur cette page, une inscription écrite au stylo : « Châtenois, ancienne église. Elle se trouve dans un musée à New York. La Capeluche 1296 ». Il y est également mentionné le nom du musée, à savoir « The Met ». Je suis curieux d’en savoir davantage.
Je remarque le nom de la « Capeluche ». Cela m’évoque une partie de l’histoire castinienne. Il me faut replonger dans la notice historique écrite par Julien Bastien en 1888. Rappelons que Julien Bastien fut instituteur à Châtenois de 1879 à 1911, organiste de la paroisse de 1879 à 1900, secrétaire de mairie jusqu’en 1912 et maire de Châtenois en mai 1925, avant de décéder dans la commune en juillet 1925. Je trouve alors dans son travail de recherche qu’il est en effet mentionné une chapelle dite Capluche. On retrouve également la mention « la Capluche » dans des documents d’archives départementales.
Extrait des documents de Julien Bastien :
« Les extraits suivants du pouillé du diocèse de Toul, l’un de 1753, l’autre de 1711, complètent ce qui est relatif aux bénéfices ecclésiastiques et aux chapelles. Il y a trois confréries : de Notre Dame, de Saint Nicolas et du Rosaire. Il y a une chapelle dite Capluche, rentée du tiers des grosses dîmes de Viocourt, de Saint Paul, du quart de Morelmaison ».
Extrait issu des Archives départementales des Vosges :
« Série h clergé régulier avant 1790. Réf 6 h prieuré saint-pierre de Châtenois
VI H 31 (Liasse). Cinq pièces de parchemin ; un cahier et 35 pièces papier. Chapelles (Layette 1, Chatenoy, liasse 36). Chapelle de Notre-Dame dite de la Capluche : Fondation dans l’église du prieuré de Châtenois, par Raoul, abbé de Saint-Epvre de Toul et tout son monastère, d’une chapelle, sous l’invocation de Notre-Dame, et attribution à cette chapelle de la moitié du moulin de Viocourt (Wyocourt) avec ses revenus et onze chairs de porc appelés vulgairement « pourchet » et trente resaux d’avoine ; de plus, des « corvées » et des « breuils » sis aux bans et finages de Viocourt et de Saint-Paul et qui sont appelés de Saint-Epvre ; le tiers des 24 Voy. à la fin de cet article. 121 dîmes de Viocourt ; le tiers des dîmes de Saint-Paul ; le tiers du tiers des dîmes de Morelmaison (Moreimaison) ; ving-six gelines par an à Viocourt et à Saint-Paul. L’autel prendra le nom d’autel de Notre-Dame. »
C’est en assistant au colloque sur les croix et calvaires en septembre dernier que l’idée me vint de contacter François Perrot de l’association des Amis du Pays de Châtenois. Celui-ci me communiqua des informations précieuses. Et de fil en aiguille l’histoire se fit plus précise.
C’est un sculpteur américain, George Grey Barnard (1863-1938), enseignant l’histoire de l’art médiéval, qui décida après un séjour en France de créer un musée médiéval à New York. De 1905 à 1913, il se trouva en effet en France et acheta à des antiquaires et à des particuliers des sculptures. En Lorraine, Barnard a ainsi acquis plusieurs arcades du cloître de Froville en Meurthe et Moselle et plusieurs statues, dont deux seraient originaires du cimetière de Châtenois. A cette époque-là, aucune législation n’empêchait l’exportation d’éléments du patrimoine. En 1925, ruiné, il vend ses collections à John Rockefeller Junior qui en fait don au Metropolitan Museum of Art (The Met). La vierge à l’enfant exposée dans cette célèbre institution new-yorkaise provient donc bien de Châtenois. Elle a été réalisée en calcaire et elle présente des traces de peinture.
Bonjour,
Travaillant sur les Vierges du XIVe siècle, je suis intrigué par la date de 1296 donnée par le billet dont vous parlez. Si elle est juste (ce qui ne m’étonnerais pas), toute la chronologie des Vierges lorraines est à revoir. Pouvez-vous me dire d’où vient cette date? Est-elle donnée par le document d’archive que vous mentionnez? Le renseignement aurait une extrême importance pour moi et je ne manquerai pas d’indiquer mon informateur.
Bien cordialement
Jean Wirth
Professeur honoraire d’histoire de l’art médiéval à l’Université de Genève
Merci pour ces documentaires très développés