Au Sud de la Lorraine, aux confins des Vosges et de la Haute-Saône, la charmante petite ville de Plombières s’étire dans un étroit vallon que la forêt, majestueuse, paraît vouloir couronner. C’est un trou de verdure, aurait noté Rimbaud où chante, bien plus qu’une simple rivière. C’est un angle mort où l’on va se ressourcer, puisqu’à Plombières-les-Bains, la ville aux mille balcons, jaillissent depuis l’Antiquité des sources d’eau chaude aux vertus curatives et thérapeutiques.
Le lieu est un peu perdu. La route qui mène à Plombières restant, pour nombre de visiteurs, assez longue et tristounette. On voit des forêts, des collines, et encore des forêts, et puis on arrive dans ce vallon, loin de tout, étroit comme un tuyau d’arrosage et dans lequel s’est pourtant construite et développée la bourgade de Plombières. Des sources, d’accord ! Mais a priori, pas grand-chose d’autre. Le visiteur ou le curiste qui arrive à Plombières pourrait presque être frappé de sombre mélancolie s’il n’avait la curiosité de plonger, non pas dans le grand bassin, mais dans l’histoire de la localité. Parce qu’il s’en est passé des choses, à Plombières !
Découvertes, à ce qu’on prétend, par le chien d’un centurion romain qui cantonnait dans la région, les sources d’eau chaude vont être aménagées dès l’Antiquité. Le lieu va alors accueillir les soldats romains qui, éprouvés par les combats qu’ils avaient à livrer contre les Barbares, sollicitaient de leurs supérieurs un peu de repos et de bon temps. Au Moyen-âge, le Duc de Lorraine Ferry III fait ériger, en rive gauche de l’Augronne, un château destiné à protéger les Plombinois et les baigneurs « contre les meschantes gens » qui erraient dans la région. On sait également que Montaigne, Voltaire et Beaumarchais se sont plus à prendre les eaux à Plombières. La première représentation du Mariage de Figaro eut d’ailleurs lieu dans la petite cité vosgienne puisque son auteur était alors propriétaire de la papeterie locale.
Mais c’est surtout au XIXème siècle que Plombières va connaître un essor considérable. En 1852, la mise en service de la ligne Paris-Strasbourg via Nancy marque le début du désenclavement de Plombières. La ville thermale n’est désormais plus qu’à six heures de train de Paris. C’est donc toute la société bourgeoise qui va aller prendre les eaux à Plombières. Les personnalités se succèdent. On dirait presque que tout le gotha mondain se donne rendez-vous dans cette vallée perdue. Hector Berlioz, Alphonse de Lamartine, Francisco de Goya et Alfred de Musset font le trajet jusqu’à Plombières pour se ressourcer et retrouver un peu d’inspiration. Un trajet qui, d’ailleurs, demeurait pénible car jusqu’à l’ouverture de la ligne d’Aillevillers à Plombières-les-Bains, les curistes devaient descendre à Nancy, où des voitures à cheval les menaient, à travers les collines de la Vôge, jusqu’aux précieuses sources d’eau chaude.
De tous les visiteurs qui se sont plus à prendre les eaux à Plombières, ce sont surtout les Bonaparte que l’histoire a retenues. Napoléon Ier, tout d’abord, et son épouse, l’Impératrice Joséphine de Beauharnais, et ensuite, Napoléon III avec, lui aussi, sa belle épouse, l’Impératrice Eugénie. En séjournant régulièrement à Plombières, les deux empereurs ont fait de la petite ville vosgienne le cœur de la vie politique, économique et sociale de l’époque. En 1802 par exemple, Joséphine de Beauharnais assiste, à Plombières, à la première démonstration du bateau à vapeur que l’ingénieur anglais Fulton vient de mettre au point. Invention qui devait littéralement révolutionner le monde des transports au XIXème siècle. Le 21 juillet 1858, c’est encore à Plombières qu’a lieu, dans le prestigieux pavillon des princes, une entrevue secrète entre Napoléon III et le Comte de Cavour, alors Premier Ministre du Royaume de Piémont-Sardaigne. Cette rencontre débouchera sur la signature du Traité de Plombières, qui prévoit qu’en échange de son intervention militaire contre les Autrichiens, la France recevra, à titre de dédommagement, la Savoie et le Comté de Nice. Un acte politique fort, qui a fait dire à certains historiens que l’Italie était en quelque sorte née à Plombières. Or, si la ville thermale a vu naître l’Italie en 1858, elle a aussi vu naître, la même année, à l’occasion d’un dîner de gala, la fameuse glace Plombières, cette crème glacée à l’extrait d’amande et parfumée au kirsch et aux fruits confits !
De cette période fastueuse, Plombières a su garder un patrimoine exceptionnel. Les thermes bien-sûr, reconstruits pour la plupart au XIXème siècle et qui sont inscrits au titre des Monuments Historiques, mais aussi les hôtels avec leurs somptueux balcons en fer forgé. C’est d’ailleurs d’un de ces balcons que Joséphine de Beauharnais avait chuté le 20 juin 1798. Celui-ci n’étant qu’à quatre mètre de haut, la citoyenne Bonaparte (comme on l’appelle alors) était tombée sur les fesses. Plus de peur que de mal. Mais toujours est-il que le balcon reste une des attractions favorites des visites guidées qu’organise l’office de tourisme local.
A côté de ces bains et hôtels aux styles architecturaux grandioses et parfois pompeux, Plombières compte également des parcs remarquables et un casino, aménagé en 1978 dans la gare, alors désaffectée. Tout un ensemble de bâtiments qui donnent à la petite ville un charme délicieusement suranné. Un cachet en somme, qui a valu à Plombières-les-Bains d’être récemment labellisé « Village-étape », « Station de tourisme » et « Un des plus beaux détours de France ». De quoi donner envie d’y séjourner … Sans oublier le maillot de bain !
Bel article merci, en attendant la réouverture des thermes bien sur