Poème de Charles IV de Lorraine

Je suis de Bar et de Lorraine

Et maître d’un pays sans nom

Rejeton d’un comte de Vaudémont

Et d’une dame noble et souveraine

~

Mon étoile scintille

Dans la nuit de mes tourments

Soleil noir qui descend

A l’horizon d’une triste vie

~

Car je suis maître et capitaine

D’une armée faite de pauvres gueux

De lansquenets de malheureux

Prêts à mourir pour la Lorraine

~

Ma terre est parsemée

De honteux arbres aux pendus

Vic et La Mothe sont perdus

Tout comme Marsal, Dun et Jametz

~

Je suis le prince aux trois épouses

L’une est duchesse, l’autre sorcière

Mais la plus belle est la dernière

Qui porte longue chevelure rousse

~

Mes promesses ne valent rien

Et mes serments je les renie

Prince maudit mauvais mari

Je suis pourtant homme de bien

~

Je suis le reître et le soudard

Heureux vainqueur à maintes fois

Des Français et des Suédois

Je resterai leur vrai cauchemar

~

Mon fidèle destrier

Cavale de ville en ville

Côté face et côté pile

La chance sourit aux chevaliers

~

Je suis le triste prisonnier

Des Espagnols scélérats

Dans ma cellule avec les rats

J’attends qu’on vienne me délivrer

~

Mon cœur est un jardin secret

Rempli d’orties et de chardons

Mais il y volent trois alérions

Porteurs d’espoirs et de vraie paix

~

Je suis le duc aux trois couronnes

L’une est de fer, l’autre dorée

Et la dernière d’épines tressées

Par une gloire que j’abandonne

~

Mes Etats sont ruinés

Par la famine et par la guerre

Je ne récolte que misère

Depuis le jour où je suis né

~

Je suis le duc aux trois couronnes

Aux trois épouses, aux trois victoires

Et si je suis mon Soleil noir

C’est pour mourir en gentilhomme.