Eternel but de promenade pour des générations de randonneurs en mal de chlorophylle et de grand air, le Rocher de Dabo se situe tout au Sud du département de la Moselle, entre Phalsbourg et Saverne, aux confins de l’Alsace et de la Lorraine. C’est un roc. Un énorme bloc de grès vosgien, de couleur rose-orangée et qui culmine à 664 mètres d’altitude. Autant dire qu’on l’aperçoit de loin. Et que, précisément parce qu’on le voit de loin, on pourrait le prendre, par certains soirs d’automne, pour un vieux navire de rocaille, que les vagues de l’histoire auraient fini par faire échouer, là, sur l’horizon, quelque part entre ciel et terre …
Le lieu est mythique. Pour ne pas dire mystique. Et ce, pour une raison toute simple. C’est là que serait né, en l’an 1002, le jour du solstice d’été, un certain Brunon. Le nom ne dira probablement pas grand-chose au lecteur et pourtant, ce Brunon finira, en 1048, par devenir pape sous le nom de Léon IX. Avec Etienne IX et Clément XV, il est l’un des trois papes dont la Lorraine peut s’enorgueillir. Mais le problème, c’est qu’on n’est même pas certain que ce brave Brunon alias Léon IX soit bien lorrain. Rien ne permet en effet d’affirmer avec exactitude le lieu de naissance de ce personnage pour le moins hors du commun. Les historiens alsaciens prétendent qu’en tant que fils du Comte Hugues de Nordgau, il serait né dans le pittoresque village d’Eguisheim, où une chapelle lui est d’ailleurs consacrée. Mais pour les Lorrains, Léon IX aurait vu le jour à Dabo, voire à Walscheid, tout proche, sur les terres de sa mère, la pieuse Hedwige (ou Heilwige) de Dagsburg, ce nom étant la forme germanisée de Dabo.
Le problème est épineux et pour être franc, il n’arrange en rien les relations, un peu houleuses, qu’entretiennent les Lorrains et les Alsaciens. Pour être clair : on manque de sources. Une phrase, une toute petite phrase, rédigée dans une chronique attribuée à un certain Wibert de Toul, note, de manière peu précise : procreatus est in dulcis Elisatii finibus, c’est-à-dire qu’il serait né « aux confins de la douce Alsace ». Mais s’il était né à Eguisheim, notre moine n’aurait-il pas carrément noté « en Alsace » ? Le Rocher de Dabo, lui, est bel est bien aux confins de la Lorraine et de l’Alsace, dans cet entre-deux un peu confus où naissent les légendes.
Mais quand bien même le bon Brunon serait né à Eguisheim, c’est bel et bien en Lorraine qu’il va faire carrière. En 1026, alors qu’il n’est âgé que de vingt-quatre ans, il est élu Evêque de Toul ! Particulièrement zélé, il s’applique à combattre les hérésies de l’époque, notamment la simonie et le nicolaïsme. Voyageur infatigable, il sillonne la Lorraine, l’Alsace et le Saint-Empire, consacrant des chapelles ou des monastères, assistant à tel ou tel concile. Très vite, sa réputation dépasse les frontières si bien qu’en 1048, il est choisi pour succéder à Damase II sur le trône de Saint-Pierre, à Rome. Dès lors, Brunon (devenu Léon IX) poursuit son œuvre réformatrice. Il lutte contre l’hérésie en excommuniant plusieurs évêques et en promulguant plusieurs bulles au contenu novateur. Il s’entoure de plusieurs personnalités fortes et compétentes, à l’instar du moine Hildebrand (le futur pape Grégoire VII) et, par-dessus tout, il continue à voyager, de Bénévent, tout au Sud de l’Italie, à Cologne sur le Rhin et de Reims jusqu’à Bratislava, sur les rives du Danube. En 1053, on le retrouve dans les Pouilles, où il tente de maintenir les intérêts du Saint-Siège face aux incursions normandes. Mais à l’issue de la bataille de Civitate, le voilà qui est fait prisonnier. Sa santé se dégrade très vite. Il meurt le 19 avril 1054, quelques mois avant que son fidèle serviteur, le moine lorrain Humbert de Moyenmoutier, n’aille, à Constantinople, excommunier le patriarche Michel Cérulaire, qui excommuniera en retour tous les Chrétiens latins. C’est l’origine du grand Schisme entre les Eglises catholiques et orthodoxes.
Pape, après avoir été Evêque de Toul et évêque après avoir vu le jour aux confins de l’Alsace et de la Lorraine, Léon IX continue d’inspirer, au sommet du Rocher de Dabo, promeneurs et mystiques, historiens et amoureux de vieilles pierres, de nature et de Lorraine !
Né vers 1020 à Dun-sur-Meuse, dans l’actuel Nord meusien, Frédéric de Lorraine, également appelé Frédéric d’Ardenne, est devenu pape sous le nom d’Etienne IX. Son pontificat a été l’un des plus courts de l’histoire puisqu’il a duré moins de huit mois. Elu par le clergé et le peuple de Rome le 2 août 1057, intronisé le lendemain, il mourut en effet le 29 mars 1058. Selon plusieurs sources, il aurait été assassiné en raison de sa volonté de s’émanciper de la tutelle du Saint-Empire Romain Germanique et de porter les idées de la réforme grégorienne. Fils du Duc Gothelon Ier de Lotharingie, Frédéric de Lorraine est issu de la Maison d’Ardenne dite aussi de Verdun. Moine bénédictin, il fut ensuite chanoine de Saint-Lambert puis archidiacre de Liège. Il fut nommé en 1051 chancelier d’un autre pape lorrain, à savoir Léon IX. En 1053, il devînt légal pontifical à Constantinople, avant d’être nommé abbé de l’abbaye du Mont-Cassin en 1057 puis cardinal. Elu pape, il succéda à Victor II.