Invité de la conférence sur les jeunes et la démocratie organisée par le Parti Lorrain ce samedi 30 septembre à 15 heures à Villotte-devant-Louppy près de Bar-le-Duc, Frédéric Fappani von Lothringen, chercheur de langue française et allemande et militant des droits de l’Homme, nous livre ses réflexions sur la jeunesse, la fusion de la Lorraine avec l’Alsace et la Champagne-Ardenne, ainsi que sur le projet CIGEO à Bure. A travers le Cercle National de Réflexion sur la Jeunesse (CNRJ), Organisation Non Gouvernementale (ONG) implantée dans vingt pays qu’il a créée en 2011 et qui est reconnue par l’Organisation des Nations Unies (ONU), il entend promouvoir et valoriser la jeunesse, appelée à jouer un rôle capital.
BLE Lorraine : Pourquoi avez-vous créé l’ONG CNRJ ? Quel est son but et quelles sont ses missions ?
Frédéric Fappani von Lothringen, Président international de l’ONG CNRJ : « C’est un groupe de personnes originaires de France qui a créé cette association et effectivement j’y tenais … disons une bonne place. Nous nous sommes dit que nous étions les témoins de l’écroulement psychique auquel l’Homme d’aujourd’hui est confronté, sous ses très nombreuses déclinaisons et qui se décline notamment dans ce que l’on nomme parfois une grande crise de l’humanité.
Une des déclinaisons de cet écroulement des repères, et, par-là, de la logique de transmission, se traduit aussi dans la manière dont nous traitons collectivement notre jeunesse. Cette manière de la traiter ne nous paraissait plus acceptable. Notre jeunesse est très souvent stigmatisée dans les médias, dans les discours des femmes et des hommes politiques, mais également dans le cadre des politiques publiques qui lui sont destinées. Les réponses données aux questions la concernant sont le plus souvent inadaptées, que ce soit dans les domaines de l’éducation et de la formation, de l’accès à l’emploi, de l’accès à l’autonomie, du logement, de la participation citoyenne, etc. Et finalement la jeunesse ne reçoit pas la dignité qui lui est due.
Considérée essentiellement comme un « mal » social à traiter, parfois comme un fléau qui ferait d’elle l’ennemi intérieur menaçant notre société du chaos, la jeunesse n’est jamais considérée comme une ressource. Jamais elle n’est valorisée ou mise en avant.
Comment les adultes ne voient-ils pas que traiter la jeunesse de la sorte c’est en somme tant « nous-mêmes » que notre « avenir » que nous maltraitons collectivement ? Car une société contre sa jeunesse est une société sans avenir. Les adultes sincères et authentiques sont dans l’obligation aujourd’hui de prendre leurs responsabilités.
C’est pourquoi nous avons pris la décision de fonder le « Cercle National de Réflexion sur la Jeunesse » (CNRJ) en 2011, afin de travailler ensemble, par-delà les clivages politiques traditionnels, pour mettre en pleine lumière les enjeux qui relèvent de la question de la jeunesse.
Nous nous sommes développés très vite et sommes devenus une Organisation Non Gouvernementale en 2013 puis avons reçu un statut consultatif auprès de l’ONU en 2017. Nous avons produit de nombreux textes et recherches sur cette question en particulier dans notre revue. Lors de mon passage en Lorraine le 30 septembre 2017, je reviendrais plus en détails sur cette crise de l’Homme et le pourquoi de la création de l’ONG CNRJ. »
BLE Lorraine : Justement, quel regard portez-vous sur la jeunesse actuelle, dans le monde et plus près de chez nous ?
FFVL : « Si nous avons envisagé qu’il y avait une crise, nous avons envisagé aussi que nous étions à un moment important de l’Histoire. En effet, nous pensons que l’humanité connaît un moment d’extrême tension dans son évolution. Moment, où elle cherche à se transformer, pour devenir un peu plus elle-même et où des parties d’elle-même, ne le veulent pas. Un peu, comme si elle était poussée par une force intérieure à grandir et qu’une force obscure cherchait à la freiner.
Cette opposition met l’humanité en état de crise vis-à-vis d’elle-même, du monde. Cette crise se décline dans toutes les activités que l’on pense souvent comme positives (économie, écologie, éducation, amour etc.). Elle se manifeste, évidemment, aussi dans les activités de résistance à l’avènement de l’Homme, que sont les conflits et les guerres. Cette crise n’est en soi, ni bonne ni mauvaise, seul le fait que l’humanité finisse par choisir la réalisation de son évolution, plus que de rien faire ou de rester dans l’agressivité, fera le bien ou le mal de la chose.
En ce moment, la part d’ombre gâche clairement la part lumineuse et plus encore l’élévation (la hauteur et la profondeur) nouvelle, vers laquelle nous devrions collectivement aller. Donc pour nous il y a bien un moment de crise et cependant nous savons qu’il y a là un enjeu, un grand moment de l’élévation de l’humanité. A ce moment de tensions que l’Humanité traverse, la priorité nous parait être la jeunesse.
La jeunesse n’est pas plus lumineuse, plus forte et/ou meilleure que les ainés mais il est normal que les anciens et les institutions se tournent prioritairement vers elle d’autant plus que les temps sont complexes. Elle doit être prioritaire à élever (emmener vers le haut) à ce moment de crise.
Alors comment est la jeunesse ? … elle est en crise, est écroulée symboliquement, travaillée par sa part d’ombre ! Mais aussi elle cherche dans un mouvement contraire à être, à agir, à prendre sa place et à se réaliser. Bref elle ressemble aux autres moments de vie … sa grande différence est que les jeunes qui arrivent, arrivent à un moment de renaissance de l’Humanité pendant qu’une vieille Humanité se meurt dans le désespoir, la dépréciation et les angoisses. Ça, par contre c’est nouveau ! »
BLE Lorraine : Quelles sont les préoccupations majeures de la jeunesse aujourd’hui selon vous ? Quelles politiques peuvent être menées pour y répondre ?
FFVL : « Je comprends que vous aimeriez que je dresse un portrait sociologique et un catalogue de réponses sur la question de la jeunesse, mais je ne m’y prendrais pas exactement ainsi.
Il a toujours été, dans la destinée, d’un homme ou d’une femme de s’étayer avec le temps, de se construire, d’évoluer et de s’élever. Voilà ce qu’est “à grands traits”, le processus d’évolution d’un être. Vous, Moi, les autres … Il en est de même pour l’espèce (collectivement), qui s’étaye, se construit, évolue, s’élève aussi avec le temps. Voilà ce qu’est la préoccupation d’un jeune, qu’il en est conscience ou pas. Plus il est éloigné de cela, plus il souffre, se rate et rate d’une certaine façon sa vie.
Cependant, tant individuellement que collectivement, il y a des questions qui méritent, un peu, d’être abordées, car bon nombre de personnes ne connaissent pas la question de l’évolution et l’élévation de l’Homme. Cette méconnaissance est assez malheureuse car finalement les gens donnent du sens à leurs actes, à leur vie (quand ils y arrivent ce qui n’est déjà pas le cas très souvent), mais n’arrive que difficilement à y découvrir une signification profonde.
Cette perte de sens et de signification provoquent parfois des pertes parmi les jeunes. Je veux dire …que des jeunes se perdent et sont perdus dans leur vie. Ce que nous disons ici, c’est qu’il est de la destinée de l’Homme, tant individuellement que collectivement, d’avoir un sens et une signification. C’est pourtant à chacun et à l’espèce, dans son ensemble, d’effectuer cet effort de trouver le sens et la signification.
Plutôt que de nous informer ou de nous éduquer sur cette actualité centrale sur l’Homme, nombreux responsables de la transmission de l’information se bornent à de l’actualité événementielle le plus souvent négative … plutôt que de nous expliquer la belle aventure que nous avons à vivre collectivement et individuellement et de faire parler ceux qui trouvent des trucs pour que cela se passent pour le mieux. Comment voulez-vous que les jeunes s’y retrouvent ?
En effet, bon nombre d’éducateurs, d’enseignants, de chercheurs, de journalistes etc. ne se connaissent pas eux-mêmes et sont dans le refus de l’élévation de l’Homme par méconnaissance. Alors, comment voulez-vous qu’ils fassent le boulot de décrire et d’écrire ce qui se passe, d’informer, de transmettre authentiquement sur cela et sur les vrais sujets et questions de ce monde ? Ils ne peuvent faire que, plus ou moins, semblants. Comment alors mettre en place des politiques pour la jeunesse, afin de relever ce défi ? Promis lors de mon passage en Lorraine le 30 septembre 2017, je vous parlerais de quelques pistes … »
BLE Lorraine : Quel est le rapport de la jeunesse au politique ? Comment analysez-vous l’engagement des jeunes en politique ?
FFVL : « L’avènement de soi en tant que collectif et individu est une question éminemment politique. Dans notre perspective, nous pensons que nous sommes à un moment important pour que la jeunesse prenne sa place dans la question politique dans l’ensemble du monde. Evidemment les infrastructures du vieux monde qui résistent à l’avènement de la nouvelle humanité sont impitoyables surtout si les idées et les actions viennent des jeunes. Nous avons développé de nombreuses analyses dans notre revue sur ces questions et les freins […]. »
BLE Lorraine : On l’a vu récemment avec l’annonce de la suppression des panneaux routiers des anciennes régions, la fusion de la Lorraine avec l’Alsace et la Champagne-Ardenne reste contestée chez nous. Des recours avaient été menés au Conseil d’Etat et au Conseil de l’Europe notamment par le Parti Lorrain. Vu de l’extérieur, quelle analyse faites-vous ? La démocratie a-t-elle échoué ?
FFVL : « Les peuples, les langues et les cultures régionales sont souvent méprisés et même rabaissés à une simple expression folklorique, voire à l’inexistant réellement, tant dans le discours médiatique que politique en France.
Ce phénomène est criant en France pour ceux qui s’intéressent aux droits des peuples minoritaires et aux droits humains. L’idéologie jacobine a essayé d’imposer depuis longtemps le mythe d’un peuple français homogène et une langue unique, le « français », sur le territoire que la République veut gérer.
Une sorte de trouille en somme que cohabitent et existent des peuples, des cultures et des langues ancestrales sur un territoire en même temps que le français. La volonté de maintenir un ordre intérieur et à maintenir l’ennemi à l’extérieur a conduit à de nombreuses exactions.
Il n’y a plus besoin de grande campagne de dénigrement, l’idéologie jacobine est maîtresse en France et c’est à longueur de temps qu’elle s’exprime. J’ai même croisé des gens, des médias ayant peur, réellement peur, d’aborder les dossiers liés à ces questions. L’émergence récente de la possibilité de revendiquer ses droits, sans passer par la lutte armée ou la soumission totale, est en train de changer la donne. De plus en plus, il va y avoir la possibilité de faire condamner les abus dus à cette idéologie. Le déni « à la française » et cette idéologie qui se prend pour une réalité vont être de plus en plus complexes à tenir. La destruction de panneaux n’est qu’un épiphénomène même s’il est « bavard » !
En effet, en Alsace, Lorraine, Bretagne, Savoie, Corse, Pays Basque etc., les peuples ont des droits et pourront les revendiquer dans le contexte des droits européens et/ou des droits humains à l’international. Cela passera donc par :
– Quelques condamnations de l’Etat, de fonctionnaires ou même de particuliers lorsque le mépris et les actes seront des transgressions des droits humains. Et ils sont nombreux actuellement …
– Mais aussi par un travail de reconstructions locales des peuples, cultures et langues et de déconstruction du mépris de soi parfois enseigné.
Evidement la mécanique et l’idéologie vont s’essayer à résister mais les temps ont changé, et le racisme et les discriminations, même tournés contre « ses » peuples autochtones commencent à mal passer et plus encore dans les instances internationales, où cela commence à se savoir et à se comprendre.
Le centralisme homogénéifiant de l’idéologie jacobine mortifère se meurt actuellement.
La crise identitaire collective et individuelle mondiale … existe aussi en France. Ce territoire est d’ailleurs révélateur de ce moment de crise et de petite mort que connait cette idéologie.
Par contre il va falloir que le peuple lorrain bosse à se reconstruire sans attendre !
Promis lors de mon passage en Lorraine le 30 septembre 2017, je vous parlerais aussi des pistes possibles … et de ce que j’ai vu dans d’autres pays et chez d’autres peuples. »
BLE Lorraine : De nombreux jeunes sont engagés dans la lutte contre l’implantation du centre d’enfouissement des pires déchets radioactifs français à Bure, en Meuse. Beaucoup d’entre eux dénoncent la violence policière et la violence d’Etat. D’autres n’acceptent pas que quelques politiques décident seuls de l’avenir des prochaines générations sur des milliers d’années. Quel regard portez-vous sur ce sujet ? Quel rôle les jeunes ont-ils à y jouer ?
La jeunesse de Lorraine veut un futur rayonnant mais pas celui d’un futur radioactif ! Elle ne veut plus vivre sous une idéologie qui ne permet pas l’épanouissement personnel, qui l’empêche de parler ses langues traditionnelles (Lorrain roman, Vosgien, Lothringer Platt), d’avoir une culture lorraine, d’être fier de son histoire, d’avoir sa politique propre, de développer son économie, ses entreprises, de prendre en compte une « Lorranité » comme le font par exemple les Alsaciens, les Corses ou les Bavarois !
Pensons aussi à tous ces jeunes qui se sont perdus et ont développé une haine d’eux-mêmes, de leur nature et de leur culture qu’il faudrait soutenir.
La jeunesse de Lorraine a d’énormes chantiers, vis-à-vis d’elle-même, des autres et du monde et il faudra la soutenir car ce moment de crise qui révèle un avènement possible représente aussi, pour ainsi dire, une fenêtre de tir pour les nations, les peuples de reprendre leur place quand ils ont été trop écrasés.
A ce titre la Lorraine et sa jeunesse peuvent être le théâtre de quelque chose de grand. »
Informations :
Conférence sur les jeunes et la démocratie avec Frédéric Fappani von Lothringen
Samedi 30 septembre 2017 de 15 heures à 17 heures
Salle communale de Villotte-devant-Louppy (derrière la Mairie)
21, Grande Rue – 55250 Villotte-devant-Louppy
Entrée gratuite.