Le gigot bitume est encore très présent sur les chantiers de construction en Lorraine. A l’instar de nombreuses traditions corporatives qui sont rapportées et perpétuées généralement uniquement par les membres des corporations, cette recette reste ainsi méconnue du grand public.
Il s’agit concrètement de faire cuire à l’étouffer un gigot d’agneau dans du goudron liquide au cours d’un repas convivial célébrant la fin des travaux de gros œuvres sur un chantier. Les personnes qui ont participé à ces travaux sont alors conviées, que ce soient les ouvriers, les architectes ou encore les promoteurs. A noter que plusieurs gigots bitume peuvent être organisés sur un même chantier selon l’aboutissement des différentes étapes de construction.
La tradition du gigot bitume trouve son origine dans le monde de la construction et des travaux publics. Depuis le début du XXème siècle, ce sont historiquement les étancheurs qui s’improvisent cuistots de service. Ceux-ci sont en effet chargés d’éviter toute infiltration dans une nouvelle construction. Pour cela, ils utilisaient à l’époque un enduit bitumineux qu’ils obtenaient en faisant fondre des blocs de bitume dans une chaudière ou un fondoir. Il restait généralement toujours du bitume une fois les travaux d’étanchéité terminés. Les étancheurs préparaient alors un gigot d’agneau, qu’ils faisaient cuire dans la chaudière qui avait servi à faire fondre le bitume.
Transmise de générations en générations d’étancheurs, cette recette nécessite un véritable savoir-faire, tant elle est complexe. Le temps et la température de cuisson sont en effet très précis, tout comme la technique d’emballage qui exige plus de cent mètres d’aluminium pour protéger le gigot de la toxicité du bitume. La tradition perdure même si les étancheurs utilisent de moins en moins de bitume dans leur métier.