Un mur de deux mètres de haut et de 3,8 kilomètres de long en béton préfabriqué a été construit à la va-vite et sous haute protection par l’ANDRA (Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs) pour cerner les 220 hectares du Bois Lejuc à Mandres-en-Barrois. L’agence a tout fait pour précipiter les choses en s’affairant au travail de jours, de nuit et même le week-end. Considérant cette édification d’une emprise foncière totale de huit hectares comme un « acte d’une grande violence », les opposants à l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure le nomment le « mur de la honte », « de l’échec absolu » ou « de l’impasse ».
Le site est destiné à accueillir cinq puits dédiés au transfert du personnel, de matériel et à la ventilation. Ce devrait être l’une des rares installations de surface de CIGEO (Centre Industriel de Stockage Géologique). Depuis mi-juin, le Bois Lejuc est le théâtre d’une guérilla entre opposants, « vigiles » de l’ANDRA et gendarmes mobiles. Son occupation à deux reprises par les militants anti-CIGEO a provoqué de violents affrontements. Les entreprises locales qui participent au chantier ont également été bloquées. Les engins de travaux de l’une d’entre elle ont même été incendiés.
Bien que propriétaire du Bois Lejuc, l’ANDRA n’avait pas le droit de réaliser ces travaux et d’ériger un tel mur. C’est ce qu’a estimé le juge des référés du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Bar-le-Duc suite à l’assignation en référé engagée par huit associations et quatre habitants de Mandres-en-Barrois. En pleine audience, l’ANDRA a réussi à produire un arrêté de « non-opposition à l’autorisation préalable des travaux » signée le matin même par le maire de Mandres-en-Barrois, complice et soutien à l’enfouissement des pires déchets nucléaires français en Lorraine. Ce bricolage juridique de dernière minute n’a heureusement pas empêché le juge de dénoncer l’illégalité de ces travaux, notamment au regard du Code forestier. Le défrichage du Bois Lejuc entamé sans déclaration préalable et accord du préfet constitue en effet une infraction à ce dernier, tout comme le changement de destination de la forêt amenée à disparaître pour la construction des puits et des bâtiments annexes de CIGEO et l’absence d’étude d’impact sans avis de l’Office National des Forêt (ONF) à proximité d’un espace naturel sensible. Dans son délibéré, le juge des référés retient « les troubles manifestement illicites » et ordonne à l’ANDRA de « cesser sans délais tous travaux de défrichements, remblaiements et construction de mur de clôture en béton sur les parcelles visées, sous astreinte de 300 000 euros par infraction à compter de la signification de l’ordonnance et 10 000 euros par are nouvellement défriché ». L’ANDRA doit également remettre le Bois Lejuc en état « dans un délai de six mois, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard, sauf autorisation de défrichement obtenue dans ce délai ». L’Agence est enfin condamnée à verser 1 500 euros aux militants et à payer l’ensemble des frais de justice.
Cette décision historique constitue une victoire symbolique pour les opposants à l’enfouissement des pires déchets radioactifs français à Bure, projet qui n’a pas encore été autorisé par le gouvernement français. Mais méfions-nous. Il ne faudrait pas que cet épisode judiciaire ne soit un argument censé « prouver » ultérieurement la transparence et l’impartialité des acteurs de ce projet. Autrement dit, que cela ne soit pas reculer d’un pas pour mieux sauter ensuite et lancer les travaux.
Rappelons enfin qu’un recours dénonçant les conditions d’obtention rocambolesques du Bois Lejuc par l’ANDRA est toujours en cours d’examen. D’autres actions sont également en préparation pour donner un coup d’arrêt à la folie de CIGEO.
La Chambre Civile de la Cour d’Appel de Nancy a dernièrement confirmé l’illégalité du défrichement du Bois Lejuc mené par l’ANDRA près de Bure. La même décision avait déjà été prononcée par le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Bar-le-Duc le 1er août 2016. Cette confirmation constitue donc une nouvelle victoire pour les militants antinucléaires, les huit associations engagées dans la procédure, ainsi que les quatre habitants de Mandres-en-Barrois qui ont assigné l’ANDRA en justice. Entre mai et juin 2016, l’agence avait en effet commencé à déboiser une parcelle de sept hectares du Bois Lejuc peuplée de chênes et de hêtres et construit un mur en béton long d’un kilomètre sans autorisation. Six mois avaient été donnés à l’ANDRA pour remettre le site en l’état, déconstruire le mur et replanter des arbres. Rien de significatif n’a jusqu’ici été fait. Le TGI de Bar-le-Duc avait assorti sa décision d’une astreinte de 100 euros par jour et par are à partir de ce délai de six mois. Cela fait donc depuis environ huit millions d’euros. Un arrêté préfectoral devrait néanmoins être pris dans les semaines à venir pour autoriser l’ANDRA à relancer les travaux. Cela dit, tout défrichement est interdit entre le 15 mars et le 31 juillet en raison de la période de nidification.
Munis de bâtons, de pioches et d’autres outils, près de 500 militants contre l’enfouissement des déchets nucléaires à Bure ont abattu dimanche 14 août une partie du mur en béton construit par l’ANDRA.
Bien que le mur soit déclaré illégal par le Tribunal de Grande Instance de Bar-le-Duc, une autorisation préfectorale a été donnée pour continuer les travaux de cette construction honteuse de trois kilomètres de long. La préfecture dit que cet arrêté ne pouvait être livré mais il devrait être affiché. Il ne l’est pourtant nulle part.
Une trentaine d’opposants, qui se relaient depuis le 3 août en vigie à l’orée du Bois Lejuc, ont observé la poursuite de l’activité de l’ANDRA, notamment des travaux de « jointoiement du mur de béton », ainsi qu’une forte présence policière.
Alors que les travaux ont été déclarés illégaux par le Tribunal de Grande Instance de Bar-le-Duc, la militarisation du territoire et les pressions policières continuent aux abords de la forêt et dans les villages alentours : multiplication des contrôles d’identité, fouilles des véhicules aux abords des forêts de Mandres, contrôles de jeunes du village circulant à vélo, véhicules interdits d’accès à la route menant au Bois Lejuc, agriculteurs sous tension, intimidation verbales des opposants campant à Bure, etc. Comment l’ANDRA et la préfecture peuvent-elles expliquer la présence de dizaines de gendarmes mobiles et de vigiles pour « sécuriser » un chantier qui doit maintenant s’interrompre ?
Non seulement l’agence a commencé des travaux préparatoires à la construction de CIGEO dans le mépris le plus total des règles du Code forestier et du Code de l’urbanisme, mais elle continue de s’enferrer. Elle prétend qu’elle fera les choses proprement d’ici quelques années !
Comment faire confiance à un maître d’ouvrage qui fait fi avec autant de légèreté des règlementations ? On n’ose imaginer ce qui pourrait se passer si l’ANDRA commet des « erreurs d’appréciation » sur CIGEO, projet d’une immense complexité dont elle prétend maîtriser les risques et accélérer la réalisation.
(Source CEDRA : Collectif contre l’Enfouissement des Déchets Radioactifs)
Après leur victoire historique et la suspension des travaux au Bois Lejuc qui en a découlé, les huit associations et les quatre habitants de Mandres-en-Barrois opposés à l’enfouissement des pires déchets radioactifs français à Bure ont dernièrement déposé deux nouveaux recours, un en référé, l’autre sur le fond, devant la justice administrative contre la décision du maire de Mandres-en-Barrois autorisant a posteriori les travaux d’édification d’un mur, afin de ne laisser aucune possibilité à l’ANDRA de poursuivre ces travaux scandaleux.
Pour qu’une autorisation de construction du mur puisse être délivrée par le maire de Mandres, l’ANDRA aurait dû demander au préalable une autorisation de défrichement au préfet. Celle-ci n’ayant pas respecté la procédure légale, l’arrêté du maire de Mandres ne peut être qu’illégal. Et l’ANDRA risque bien de ne jamais pouvoir obtenir ce fameux sésame d’ici six mois, puisqu’elle va devoir réaliser une étude d’impact, ainsi qu’une enquête publique. Soit une procédure longue et complexe.
Une quarantaine de militants opposés à l’enfouissement des déchets nucléaires français à Bure a dernièrement construit à l’entrée du Bois Lejuc une vigie sentinelle, afin de surveiller les agissements de l’ANDRA. En effet, depuis la décision du TGI de Bar-le-Duc, l’Agence joue sur une ambiguïté juridique entre le défrichement et les travaux de construction du mur pour continuer son activité sur le site. Les opposants s’interrogent aussi sur la présence d’une centaine de gendarmes mobiles toujours postés sur place pour défendre un chantier illégal. La plateforme a été érigée à quelques mètres de l’orée du bois sur un terrain privé. Les sentinelles et leur vigie ne peuvent donc pas être expulsées.