Es es schon lang hair do woren môl zwènn Brauouder én dem glènem dorf Berwella. Man hat ze Schlinks oun Yôkel gennant.
Die zwènn Brauouder die woren schon alt genour for ze schaffen avar ze hoden nouar Domhetten em Kopp aunt ze hoden kèn grossen locht for sich méït ze machen wie di Bauern aunt annern Arbeiter vom Dorf vô forchieden Handwerken gemacht han.
Di Lausbauouven hann nour geglaout aunt fèn gelégenhetten leléft. Di hann manchmol zogar eut Geméïss von Anerleit ausgegraft aunt di Leit di woren fezweifelt met di zwènn Gauounan.
In der Zeit han di Frâleit schénen weiss aunt rauden Käse gemach aunt han zéï of de Fenschtarbank hingelét for séï ze troknen. Awar dat wor net dat échetmol aunt net dat letchmol vo da Schlinks aunt sein Brauouder den guden geschamk entkommt zen und han den Käss geschnapt aunt abgehau so schnell wi di Glompen es erlaupt han.
En schénen guden dach han di Brauouder avar nomoll ivardrif met den glauereihen aunt do hat des Bauer sih gedenkt « dat langt mit avar » aunt hat sich forgedenkt en gouden Schertz den zwénn Brauouder ze machen. Er hat eun grossen waissen aunt rauden Schtèn wo so wi eun Käss ausgesehen hat of de Fenchterbank hingelét fom eachten Stock und hat sich héner de Schtalldir foschekt. Er hat net lang gewart bis di zwaï Brauouder angerand kommen met em langen stecken én da Hant. En der Zeit hoden die Männer so en art Arbetshirtz ivar de Klèder gedrah vor sich nét drekich ze machen. Als der Schlinks met dem stecken den Käss hat velen ronarwerfen hat der Yokel zeïn Schertz vor seinen Bauch ofgeschtrekt for den gouden Käss ofzefaigen. Aunt zéï kannen sich gout vorstellen watt do passeart es wo der Schtèn ént Schirtz gefall est, do hat der Schtèn die ganze gnepp vom Schertz abgeroppt aunt hat dat Schertz verropt.
Seitdem hann sich der Sclinks aunt der Yokel gedenkt dat ihr wéch nét der bèchte és aunt és besser és ze verschwéinden in anner géyent veil ès nett dat erchte mol vor vô die zwaï Brauouder erwetcht woren.
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Le Schlinks et le Yôkel
Il était une fois, il y a bien longtemps de cela, deux frères qui s’appelaient Schlinks et Yôkel et qui habitaient à Berviller, petit village de Moselle-Est.
Ces deux frères qui étaient déjà en âge de travailler n’avaient que des bêtises dans la tête et n’avaient pas vraiment envie de se fatiguer comme le faisaient les agriculteurs éleveurs et autres manœuvriers et ouvriers qui pratiquaient leurs différents métiers dans la commune.
Ces voyous vivaient de rapines, d’opportunités qui se présentaient et allaient parfois même déterrer les légumes des autres villageois qui commençaient à être excédés par ces deux filous.
Comme il était d’usage en ces temps-là, les fermières préparaient de beaux fromages ronds et blancs qu’elles posaient sur le rebord des fenêtres, exposés, afin que la croûte des fromages devienne un peu plus consistante. Mais ce n’était ni la première ni la dernière fois que Schlinks et son frère Yokel attiré par cette odeur alléchante attrapaient les fromages et s’enfuyaient aussi vite que leurs sabots le permettaient.
Un jour que les frères avaient de nouveau dépassé les bornes avec leurs rapines, le fermier décida de leur jouer un tour que les deux frères ne seraient pas prêt d’oublier. Il déposa une grande pierre ronde et blanche qui ressemblait à s’y méprendre à un fromage sur le rebord de la fenêtre de l’étage et il se mit à scruter la rue à travers une fente de la porte de l’écurie. Il ne lui fallut pas attendre longtemps pour voir arriver les deux frères Schlinks et Yokel avec une grande gaule dans la main. En ces temps-là les hommes portaient une sorte de blouse grise qui protégeait leurs vêtements. Donc pendant que Schlinks s’évertuait avec sa gaule à déstabiliser ce qu’il pensait être un fromage, Yokel tenait sa blouse devant son ventre pour attraper ce qu’il pensait être un met délicieux. Et naturellement vous pouvez aisément deviner la suite car lorsque la pierre blanche tomba dans le tablier, elle arracha tous les boutons de la blouse et la lacéra sur une bonne longueur.
A partir de ce jour-là, Schlinks et Yokel se sont dit que leur procédé n’était pas si fameux et qu’il valait mieux changer de région car ce n’était pas la première fois qu’ils se faisaient attraper après leurs méfaits.
Je connaissais cette histoire du cochon à huit pattes qui se racontait dans les chaumières les soirs après le Rosengranz et où les voisins se réunissaient une fois chez l’un puis chez l’autre car à cette époque glorieuse il n’y avait pas de journal de 20 heures et encore moins la télé. Il y avait également une autre histoire qui circulait sur ces deux frères Schlinks et Yokel.
En ce temps-là, les paysans faisaient leur fromage eux-mêmes avec le lait de leurs vaches. Puis ils mettaient ce fromage, qui avait parfois la taille d’un ballon de foot, sur le rebord de leur fenêtre qui était à l’étage. Les deux frères qui déambulaient dans le village étaient naturellement à l’affût de ces délicieux fromages et à l’aide d’une gaule ils faisaient tomber le fromage dans leur tablier gris qui était à la mode en ce temps-là. Mais l’un des paysans qui s’était fait voler ainsi son fromage avait décidé de donner une leçon à ces deux voleurs de fromage. Il a donc été cherché dans les champs une belle pierre blanche qui avait la forme d’un fromage et après l’avoir posé sur le rebord de la fenêtre, il a épié patiemment à travers une fente de la porte de l’écurie, ce pseudo-fromage posé bien en évidence. Sans attendre bien longtemps les deux frères se présentèrent en croyant que toute la maisonnée était aux champs comme d’habitude. L’un des frères muni de sa gaule fit tomber le soi-disant fromage dans le tablier que tendait devant soi l’autre frère. Et il arriva ce qui devait arriver, sous le poids du gros caillou, le tablier se déchira et la moitié du village averti par les éclats de rire du paysan qui avait assisté à la scène accourut, afin de se moquer des deux frères qui s’en allèrent Grosjean comme devant.
Il y est difficile d’écrire un parler qui n’a pas d’orthographe de référence. C’est justement ce qui différencie ce parler de la langue allemande qu’est le Hochdeutsch, qui est une langue standardisée contrairement aux différents parlers du francique mosellan (NDLR : à l’exception toutefois de la variante luxembourgeoise). Comme les lecteurs sont ici francophones en majorité, j’ai essayé de transcrire ce parler qui n’est que phonétique selon les normes françaises avec des accents et évidemment il arrive qu’un mot ne se prononce pas de la même façon. Par exemple, on dira dat Féï pour dire la bête, mais on dira da Chang pour dire le Jean car chez nous on met toujours un article devant les noms propres. Par contre on dira eut Marichïn pour désigner la petite Marie. Il est donc impossible de faire des fautes d’orthographe dans un parler.
Je relis de nombreuses fois chaque traduction et à chaque fois j’essaye de la corriger, afin de restituer le plus fidèlement possible le parler qu’a été ma langue natale, qui n’est ni l’allemand, ni le français, ni même le parler du village d’à côté.
Gaston THIEL, amoureux des langues régionales de Lorraine, pour le Groupe BLE Lorraine.