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Mycologie en Lorraine

Il était une fois un mec qui s’ennuyait ferme dans sa vie en Lorraine car il avait été formaté pour principalement accomplir l’auto-boulot-dodo pour vivre sans problème. Et comme beaucoup de personnes, il lui arrivait de tourner les pages du journal pour passer le temps et pour se tenir informé des évènements qui avaient lieu dans sa région de Moselle-Est. Par un bel après-midi d’automne, ses yeux s’attardèrent sur le titre d’un petit article du journal qui annonçait qu’une exposition de champignons allait avoir lieu et que toutes les personnes intéressées pouvaient apporter leurs récoltes de champignons pour être déterminées. Comme l’amateur de mycologie, que nous allons par la suite appeler le « mycomec », n’y connaissait absolument rien dans ce domaine, mais comme il avait déjà vu dans les haies et les forêts, quand ce n’était dans les prés, des tas de champignons, il s’est dit qu’il allait pouvoir s’amuser gratuitement en collant le déterminateur en lui apportant sa récolte.

Sitôt dit, sitôt fait, voilà le mycomec avec une boîte à chaussure remplie de champignons qu’il a découvert en moins de temps qu’il faut pour le dire qui débarque dans la grande salle du foyer du centre de Creutzwald, où il rencontra un mycologue s’affairant entre de nombreuses tables alignées sur lesquelles jonchaient des centaines d’espèces différentes de champignons. Après avoir montré au mycologue sa boîte à chaussure remplie de champignons, ce dernier daigna y jeter un coup d’œil rapide sans en faire un fromage et demanda au mycomec de déverser sa cueillette sur une table à côté de nombreuses autres espèces. Un peu dépité qu’on ne s’occupe pas plus que cela de ce qu’il pensait être une découverte majeure, le mycomec s’attarda devant quelques tables jusqu’à ce que le mycologue qui organisait l’exposition lui colle entre les mains un champignon un peu bleu-verdâtre et lui demanda d’aller le poser sur une assiette derrière laquelle était posée l’étiquette indiquant Stropharia aeruginascens. Le mycomec, un peu éberlué, mais flatté qu’on s’intéresse à lui, s’en alla avec son précieux champignon dans la main. Mais à peine avait-il fait un pas vers les tables où était posés des tas d’assiettes qu’il avait déjà oublié le nom du champignon qui correspondait à la bonne étiquette.

girolles

Le mycomec a été vraiment surpris qu’on puisse s’intéresser à lui par le fait qu’on lui demande de l’aide pour la mise en place de cette exposition mycologique qui devait avoir lieu le jour suivant qui tombait le dimanche. Naturellement, comme la détermination des champignons et la mise en place s’acheva tard dans la soirée et que le mycomec avait montré beaucoup de patience pour aider de son mieux le mycologue, il fut invité à l’exposition qui se déroula dans de bonnes conditions. Et c’est ainsi que s’ouvraient devant le mycomec les portes d’un savoir qu’il a décidé d’approfondir.

Pour commencer, il s’acheta un livre sur les champignons dans un supermarché, puis il adhéra au GECNAL (Groupement d’Etudes et de Conservation de la Nature en Lorraine). Il prit part à des sorties dans la nature où il commença à apprendre, à observer et à étudier les différents caractères de la faune, de la flore et principalement de la mycologie. Bien entendu, après le premier livre sur les champignons, beaucoup d’autres livres furent nécessaire pour faire le tour des connaissances qui s’accumulaient au fur et à mesure que le mycomec participait à de nombreuses autres expositions de champignons, jusqu’au jour où ses connaissances dans ce domaine lui permirent d’organiser lui-même des expositions de champignons. Bien entendu, d’autres mycologues de Moselle lui furent d’une grande aide lors de certaines expositions.

Puis, un jour ayant entendu que des mycologues sarrois avec des étudiants de l’Université de la Sarre avaient réalisé un atlas sur la répartition des champignons de la Sarre, plusieurs mycologues, dont le mycomec, ont proposé au Professeur Lectard, qui exerçait au sein de la Faculté de Pharmacie de Nancy, s’il était possible d’entreprendre un travail de ce genre pour la Lorraine. Comme on ne fait pas les choses à moitié en Lorraine, il fut décidé qu’on allait faire mieux encore en effectuant un travail de recherche sur la répartition des macromycètes du Nord-Est de la France en invitant tous les mycologues à fournir des renseignements sur leurs découvertes fongiques sur le terrain. Bien entendu le mycomec qui avait déjà acheté à la librairie de l’Université de Sarrebruck un atlas sur la répartition des champignons de la Sarre en offrit un exemplaire également au Professeur Lectard qui présidait en ce temps-là la Société Lorraine de Mycologie et qui tenait également la chaire de cryptogamie de la Faculté de Pharmacie de Nancy. Il s’en suivit de nombreuses thèses de doctorat en pharmacie qui ont ainsi eu pour thème de déterminer l’emplacement, avec d’autres renseignements, de nombreuses espèces de champignons trouvés par les mycologues de Lorraine. Naturellement, on s’est rendu compte que les coins visités par les mycologues fournissaient beaucoup d’informations contrairement à d’autres espaces totalement vierges car aucun mycologue n’y avait posé le pied.

mycologie

Puis vint le jour où le mycomec se décida à tester ses connaissances en mycologie lors d’une exposition de champignons organisée par la Société Lorraine de Mycologie dans le hall de la Faculté de Pharmacie de Nancy. On pouvait en effet participer en tant que candidat libre à cet examen primé par un brevet de mycologie en cas de réussite. Le mycomec se trouva ainsi parmi quelques doctorants en pharmacie qui avaient eux aussi décidé de tester leurs connaissances dans le domaine de la mycologie. L’examen consistait simplement à écrire le binôme latin des champignons des soixante espèces différentes de champignons étalées sur des assiettes et ne comportant qu’un numéro sur une feuille numérotée offerte aux candidats.

Il fallait bien entendu avoir reconnu au moins quarante espèces sur soixante et ne pas avoir loupé une espèce toxique ou mortelle. Le mycomec s’en tira avec facilité contrairement aux doctorants en pharmacie, dont aucun ne réussit l’examen. En effet, il réussit haut la main à reconnaître cinquante-sept espèces différentes sur les soixante espèces présentes. Il commit simplement une erreur en désignant la Lépiote élevée qu’il connaissait pourtant très bien en inscrivant en toute hâte Macrolepiota elata, qui n’existe pas, au lieu de Macrolepiota procera. Puis, il eut un doute sur une espèce qu’il connaissait bien pour l’avoir trouvée à maintes reprises et qui devait avoir une bonne odeur d’iris. Mais comme le champignon n’était plus très frais, l’odeur avait disparu et au lieu de mettre en binôme Lepista irina, le mycomec l’inscrivit en tant que Lepista sp. Enfin, la troisième espèce qui était le sosie de Xerocomus chrysenteron se différenciait pourtant de cette dernière en blessant le champignon et en constatant qu’il bleuissait intensément, d’où son binôme Xerocomus pulverulentus. Depuis, avec les progrès réalisés sur la détermination des champignons grâce à leur génome, de nombreuses espèces ont été rebaptisées. N’empêche qu’à la suite de son brevet de mycologie, qu’il fut le seul cette année-là à décrocher, le mycomec reçut un coup de fil d’un professeur de la Faculté de Pharmacie de Nancy pour lui proposer de se présenter à l’élection du comité de la Société Lorraine de Mycologie. Comme le mycomec avait des obligations professionnelles qui ne lui permettaient pas de disposer de son temps libre pour faire les cent kilomètres qui le séparaient de Nancy, il eut quelques réserves. Mais ces dernières furent vite balayées par le fait qu’il n’était nécessaire d’être présent que lors de la réunion annuelle du comité de ladite société. Par conséquent, comme le mycomec siégeait lors de la réunion du comité, il attendit patiemment pendant toute la réunion sans piper mot, mais quand il entendit le président à la fin de la séance demander s’il y avait des questions, le mycomec leva timidement son doigt comme un élève discipliné et attentif en demandant pourquoi la Société Lorraine de Mycologie, qui comptait pourtant de nombreux membres éparpillés aux quatre coins de la région, ne possédait pas encore de bulletin de liaison. Après quelques réticences de la part des membres du comité, le président trouva cette question d’un grand intérêt et naturellement il fut décidé qu’on allait tenter l’expérience, d’autant qu’un mycologue, patron d’entreprise privée, offrit les services d’une secrétaire, ainsi que de contribuer à l’impression du bulletin. Le mycomec fut alors invité au comité de lecture de la création du premier bulletin de la Société Mycologique de Lorraine.

Après bien des années, le mycomec s’est retiré de la vie active et a décidé de passer sa retraite dans une niche écologique sur la côte Est de Madagascar. Il a un peu abandonné le monde fongique et les associations, d’autant que de nombreux mycologues qu’il côtoyait souvent ont disparu du monde des vivants et que les rares mycologues qui subsistent encore en Lorraine ne font plus beaucoup parler d’eux. Il est évident qu’avec internet, il devient de plus en plus facile d’étudier les champignons car d’un seul clic on peut trouver réponse à ses questions, alors que du temps du mycomec il fallait un temps fou pour emmagasiner tous les critères permettant de déterminer avec certitude une espèce de champignon. Un point crucial car une erreur de diagnostic peut mener directement au cercueil. Le mycomec peut se vanter d’avoir ingéré des tas d’espèces différentes de champignons comestibles sans jamais avoir eu à subir le moindre problème, d’autant que les champignons comestibles sont un met de choix et que leur consommation apporte au corps humain de nombreux avantages nutritionnels. Sachant que les champignons ne sont pas vraiment des plantes puisqu’ils n’ont pas de fonction chlorophyllienne, pas plus que des animaux, on ne trouve donc nulle part ailleurs les bienfaits qu’ils peuvent nous apporter. Je ne parlerai même pas des champignons microscopiques, très utiles dans différents domaines.

Rédigé par Gaston THIEL

Amoureux des langues régionales de Lorraine pour le Groupe BLE Lorraine.

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