Situé dans la verdoyante Vallée du Rupt-de-Mad, le territoire du château de Jaulny était déjà fréquenté par des êtres humains 9 000 ans avant Jésus-Christ. A proximité d’une source, dont l’eau ne tarissait jamais, les Celtes y fondèrent un oppidum sur une terrasse à mi-pente dominant le Rupt-de-Mad. Au village celte succéda une villa gallo-romaine. Ce domaine est cité en 848 dans une charte sous la forme « villa galliniaga ». En 1060, le chevalier Milon de Jaulny est mentionné dans une charte de l’abbaye de Saint-Benoît-en-Woëvre. Il est un parent et un vassal des d’Apremont, ancienne et puissante famille de la noblesse lorraine. Ce noble personnage avait la garde du premier pont enjambant le Rupt-de-Mad depuis son point de confluence avec la Moselle.
Si son origine remonte aux XI-XIIème siècles, le château de Jaulny fut remanié à plusieurs reprises jusqu’au XVIIIème siècle. Son donjon fut transformé en maison forte à la fin du XVème ou au début du XVIème siècle. Celle-ci se présente de nos jours sous la forme d’un U s’ouvrant par une petite cour après le passage d’un porche étroit. Nous pouvons y observer des salles voûtées, des meurtrières percées au XVème siècle et des plafonds ornés à cette même époque, une tour porche d’accès datant du XVIIIème siècle, un logis transformé au XVIème et au XVIIIème siècles, de même qu’une rampe de l’escalier intérieur et la grille de la cour conçus par Jean Lamour, serrurier et ferronnier lorrain au service de Stanislas, Roi de Pologne déchu et Duc de Lorraine. Dans la seconde moitié du XVIIème siècle, période de guerres sanglantes, un mur d’enceinte, véritable rempart bastionné, fut érigé afin de renforcer la défense. Le château de Jaulny a été classé partiellement aux Monuments historiques en avril 1996.
De toute évidence, le château médiéval était plus étendu que la maison forte du XVIème siècle. Ainsi, la Place de la Fontaine du village fut aménagée au XVIIème siècle à l’emplacement d’anciennes fortifications du château. Là se trouvait la Basse-cour de la place forte médiévale. Les fouilles préventives menées par une équipe de l’INRAP (Institut National de Recherches Archéologiques Préventives) en décembre 2022 ont permis d’y mettre à jour des structures en pierre. Du mobilier céramique correspondant à l’époque médiévale a également été trouvé. Autour de la Place de la Fontaine, de vieilles maisons ont été conservées. L’une d’entre elles a été bâtie entre 1615 et 1630. La fontaine, dont l’eau de la source captée à l’époque gallo-romaine abreuvait autrefois, sans jamais se tarir, l’oppidum de Gallinacum, a laissé la place, au XIXème siècle, à un ensemble lavoir-abreuvoir qui vient d’être restauré sous l’impulsion de la municipalité.
Au XIVème siècle, le château de Jaulny relevait du Comté de Mousson appartenant à la famille de Bar. Il fut la résidence au XVème siècle de Robert des Armoises et de son épouse, Jeanne des Armoises, qui selon certaines thèses ne serait autre que Jeanne d’Arc, la pucelle de France, sauvée du bûcher et qui aurait terminé ses jours à l’âge de 42 ans. En 1419, le mariage de René Ier d’Anjou, Duc de Bar, et d’Isabelle de Lorraine, permet d’unir les deux Duchés de Bar et de Lorraine. Jusqu’alors point de défense primordial face à la Lorraine, au Nord-Est du Comté puis du Duché de Bar, le château de Jaulny perd de son importance militaire. De la seconde moitié du XVIème siècle au XVIIIème siècle, Jaulny relève de la Prévôté de Prény.
Les archives départementales de Meurthe-et-Moselle, à la cote B 854 art. 54, nous apprennent qu’en 1566, Jaulny, village de la Prévôté de Prény, dépendait de Ferry de Jaulny. Ce vieux village gaulois comptait alors 22 conduits, soit environ 110 habitants. Pendant des siècles, le château de Jaulny fut partagé entre les familles de Jaulny et des Armoises. Converti aux thèses de Calvin, Ferry III de Jaulny s’exila à Bâle, où il put vivre pleinement sa foi. Il y décéda en 1587. La famille des Armoises, dans les veines de laquelle coulait le sang des de Jaulny, reconstitua l’unité de la seigneurie de Jaulny.
La révolution qui éclate en 1789 vient bouleverser la vie des Raigecourt-Gournay qui ont succédé aux des Armoises, dont ils descendent. Ils s’exilent et se joignent alors aux émigrés combattant le nouveau régime. Le château de Jaulny est vendu en 1795 comme Bien national. Il est acheté par un habitant de Dieulouard, avant d’être acquis par le Général Jean-Nicolas Curély, brillant cavalier d’une bravoure folle, blessé à six reprises lors des guerres napoléoniennes. Transformé en hôpital militaire lors de la Première Guerre mondiale, il échappe miraculeusement aux bombardements.
De nos jours, les touristes de passage peuvent découvrir un musée exposant du mobilier, des faïences, ainsi que des armes du XVème siècle et également quelques antiquités. Le parc du château de Jaulny a une étendue de 1,5 hectare. En 1841, c’était encore un grand verger enclos de murs.
Depuis 2020, le nouveau propriétaire, Emmanuel Pénétrat, et sa compagne, Aurore Thiébaut, ont à cœur de faire revivre ce lieu chargé d’histoire. De nombreuses animations y sont organisées pendant une grande partie de l’année, notamment une belle fête médiévale attirant la foule. Des visites sont également proposées, le plus souvent les dimanches. Nombre d’écoles viennent aussi y faire un tour pour participer à des ateliers instructifs et divertissants pour les enfants. Les fonds récoltés doivent contribuer à la restauration du château de Jaulny. En effet, la demeure a souffert des affres du temps. Sa toiture doit être refaite, afin de protéger l’édifice des infiltrations d’eau. Les travaux devraient bientôt commencer.
Menacé de destructions à plusieurs reprises, le château de Jaulny, remanié, transformé à travers les siècles, est toujours debout, mille ans après son apparition. C’est un véritable phénix qui monte la garde et qui scrute le pont du Rupt-de-Mad !