Entre 2008 et 2012, une à deux fois par an, les Drs Mike Mac Kornick et Joachim Henning des universités de Harvard aux Etats-Unis et de Francfort en Allemagne ont fouillé avec des étudiants en archéologie les terres argileuses de Tarquimpol, pittoresque village du Saulnois bâti il y a plus de 2 000 ans.
L’idée était de s’appuyer sur les vestiges remarquablement conservés ici pour décrypter les modes de vie des habitants sous le Bas-Empire romain. Il existe en effet très peu de sites semblables à celui de Tarquimpol en Europe et dans le monde. C’est la raison pour laquelle le terreau mosellan semble être le seul qui puisse apporter des réponses fiables aux interrogations des scientifiques. Les éléments déterrés sur des parcelles privées situées entre l’actuel village et les berges de l’étang aménagé au XIIIème siècle ont été analysés par des laboratoires du monde entier. Ils ont permis de fournir beaucoup d’indications sur l’évolution de l’urbanisme, du système économique et de l’organisation sociale correspondant aux diverses époques d’occupation des lieux.
Les archéologues savent grâce à des sources antiques que l’antique Decempagi était une station d’arrêt importante de la Via Salina entre Divodurum Mediomatricorum (Metz) et Argentoratum (Strasbourg). Les tâches claires décelées sur les images géomagnétiques prises au moyen de drones et de ballons ont révélé l’existence de deux, voire de trois cités. Les archéologues ont pu tracer leurs contours respectifs. Il y a des indices de présence humaine datant d’avant le Haut-Empire romain. Tarquimpol l’Ancienne, qui s’étendait sur 45 hectares et qui abritait un amphithéâtre de 125 mètres de diamètre qui n’a toujours pas été dégagé, a vraisemblablement été détruite au cours de la deuxième moitié du IIIème siècle avant J.-C. C’est sur ses vestiges que Tarquimpol la Nouvelle a été bâtie, abandonnée en 350, puis refondée en plus petit. Cette cité de huit hectares, protégée par un large mur d’enceinte, a prospéré durant un siècle. Puis tout semble s’être brusquement arrêté en 450. Plus aucune trace de vie n’a été trouvée entre cette période et la période mérovingienne qui a laissé des sarcophages datés de l’an 600 environ enterrés sous l’église actuelle.
De nouvelles campagnes de fouilles pourraient nous en apprendre davantage sur l’histoire de Decempagi.
Le petit village de Tarquimpol a été construit sur les ruines de l’antique Decempagi. A cette époque, le bourg n’était pas situé sur la presqu’île éponyme au bord de l’Etang de Lindre. Ce dernier n’a en effet été creusé que près de dix siècles plus tard par des moines pour les besoins de la pisciculture. Lors d’une séance de sondages aériens organisée au début des années 1980, des aviateurs ont découvert les traces d’un théâtre de plus de 10 000 places sur une zone agricole. Même s’il est toujours enterré, il s’agit de l’un des plus grands théâtres gallo-romains de l’Est de la France. Aujourd’hui, le village, avec le clocher rond atypique de l’église Saint-Etienne à quelques dizaines de mètres seulement des eaux de l’Etang de Lindre, se dessine dans un superbe décor avec comme toile de fond la ligne bleue des contreforts des Vosges.