Fêté, dans la liturgie occidentale, chaque 20 janvier, Saint Sébastien a longtemps joui, en Lorraine, d’une étonnante popularité. Il suffit de songer à l’imposante église qui lui est consacrée, sur la Place Charles III, à Nancy, pour comprendre à quel point le culte de ce saint fut important, autrefois, dans notre région. Un saint dont le nom reste, aujourd’hui encore, étroitement lié au quotidien des Nancéiens. Ces derniers n’ont-ils en effet pas coutume de faire leurs courses au Saint Seb’ ?
Probablement né à Narbonne, Sébastien était citoyen de la ville de Milan, si l’on en croit la Légende Dorée de Jacques de Voragine. Bien que chrétien, il aurait embrassé la carrière des armes, avant de s’attirer les grâces des empereurs Dioclétien et Maximien Hercule. Nommé centurion, Sébastien s’applique dès lors à mettre son glaive au service des opprimés et de l’ensemble de ses coreligionnaires. C’est probablement ce qui décidera les mêmes empereurs à ordonner son exécution, peut-être en l’an 187. Attaché à un arbre ou à une colonne, Sébastien est condamné à être transpercé de flèches. Mais, guérissant de chacune de ses blessures, c’est finalement à coups de bâtons qu’il sera mis à mort.
Le martyre de Saint Sébastien a été abondamment représenté dans la statuaire et la peinture occidentales. En Lorraine, les œuvres d’art qui figurent le martyre se comptent par dizaines. On les retrouve dans nos églises, nos musées et jusque sur certains bildstocks de la Lorraine germanique. Il faut dire que si le saint a joui d’une telle aura, c’est d’abord et avant tout parce qu’autrefois, on estimait qu’il pouvait, avec son acolyte Saint Roch, guérir de la peste.
Dès le Moyen-âge en effet, les flèches qui criblent le corps de Saint Sébastien sont assimilées aux bubons des pestiférés. Le saint devient alors, dans la culture populaire lorraine, un thaumaturge, c’est-à-dire un guérisseur. On le prie, on le vénère et on lui élève des chapelles, à l’instar de celles de Ritzing, Dieulouard, Terville, Kœnigsmacker ou Bitche.
A Bitche justement, la chapelle Saint Sébastien, datant du XVème siècle, a longtemps servi de but de pèlerinage. Il en va de même à Kœnigsmacker, où la chapelle est dédiée, de manière collatérale et selon une tradition fréquente, aux Saints Roch et Sébastien.
Patron des pestiférés, mais aussi, en toute logique, des archers, Saint Sébastien prête même son nom, à la fin du Moyen-âge, à une œuvre caritative scarponnaise. Le 5 juillet 1504 en effet, Jean Mengin et Nicolas Masson déclarent instituer à Dieulouard, une confrérie pour le salut des âmes, en l’honneur de Dieu et de ses Saints martyrs Laurent et Sébastien, patron de l’église qui est alors en train de se construire à un jet de pierre du château.
Quant à la monumentale église Saint Sébastien qui domine la Place Charles III à Nancy, elle ne date, en fait, que de 1719. Œuvre de l’architecte Jennesson, elle se caractérise par ses formes baroques et sa statuaire maniérée, où se côtoient la vierge, Saint Sébastien et le Duc de Lorraine ! Elle a remplacé une première chapelle, édifiée en 1603 au cœur de la paroisse Saint Sébastien, instaurée par le Duc Charles III, afin d’enrayer l’épidémie de peste qui ravageait alors les Duchés de Bar et de Lorraine.
La peste a disparu. Les églises sont restées. A nous de les entretenir et de les faire connaître. Car elles sont avant tout les témoins d’une foi ancestrale, ainsi que les joyaux les plus remarquables de notre inestimable patrimoine.