La fameuse galette des rois, faite de frangipane et croustillante à souhait est en effet un symbole incontournable de l’Epiphanie. Dans l’enquête qu’il a mené auprès des populations de la Woëvre et du Pays Haut, Daniel Bontemps nous révèle que cette galette n’a pas toujours été de mise dans les familles lorraines. Au début du XXème siècle, elle était même inconnue dans la plupart des foyers lorrains. Ou alors elle se substituait à une brioche ou une simple tarte. On faisait, en quelque sorte, avec ce qu’on avait. Un boulanger de Villers-la-Montagne reconnaît même avoir confectionné ses premières galettes des rois dans l’immédiat après-guerre ! La chose peut paraître curieuse quand on sait que cette pâtisserie est attestée, dans le Royaume de France, dès le XIVème siècle. Mais la Lorraine était à cette époque-là un duché indépendant. Toujours est-il que, par sa forme circulaire et sa couleur dorée, la galette des rois que nous connaissons aujourd’hui, et qui, parfois, fait son apparition dans les étalages dès que Noël est achevé, symboliserait le Soleil qui, à compter du 6 janvier, fait son lent mais inéluctable retour.
En fait, la galette des rois doit surtout son attrait à la fève qu’elle contient. La personne qui obtient cette fève, il s’agissait autrefois d’une véritable fève crue, devient le roi de la journée. Traditionnellement, la galette des rois est coupée en autant de parts qu’il y a de convives. Parfois, on laissait volontairement une part de plus, appelée « part du pauvre » ou « part à Dieu ». Les différentes parts de tarte sont alors distribuées au hasard et c’est souvent la plus jeune personne de l’assistance qui, placée sous la table, afin de ne pas voir la fève au cas où on aurait coupé dessus, s’acquitte de cette tâche. Celui ou celle qui tombe sur la fève a le droit de coiffer la couronne de papier, toujours vendue avec la galette, et de désigner sa reine ou son roi.
En Lorraine, la tradition continue de jouir d’une importante popularité. Les galettes confectionnées au mois de janvier sont souvent l’occasion pour les artisans et les pâtissiers, d’exprimer leur talent et leur savoir-faire. Les fabophiles, c’est-è-dire les collectionneurs de fèves, s’arrachent d’ailleurs à prix d’or les fèves à thématique régionaliste. Car il est des artisans Lorrains qui, fiers de leur région, ont eu l’idée de créer des fèves qui reprennent les motifs des émaux de Longwy, les vases de Gallé ou encore les bâtiments de notre belle Place Stanislas.
Parce qu’elle a toujours été terre d’accueil et de brassage culturel, notre région s’est aussi vue accueillir des traditions lointaines et originales. C’est notamment le cas de la Befana, nom donné, dans le Nord de l’Italie, à une vieille femme bienveillante censée distribuer, dans la nuit du 5 au 6 janvier, quelques menus présents aux enfants sages. Cette coutume, directement importée d’Italie par les immigrés venus travailler dans les mines et les usines de la région, a longtemps été populaire dans le Pays Haut et jusque dans le Warndt. Dans les cités ouvrières des Vallées de l’Orne et de la Fensch, tout comme au pays du charbon, les petits Lorrains, dont le nom se terminait souvent par un « i », accrochaient, en effet, leurs bas et leurs chaussettes près du poêle ou au-dessus de la cheminée. La plupart les retrouvaient le lendemain, garnis de fruits ou de sucreries. Les plus turbulents recevaient un trognon de maïs, un morceau de charbon ou quelques crottes de lapin. Encore attestée à Jœuf au début des années 1990, la tradition semble s’être, depuis, largement effilochée …
Enfin, plusieurs folkloristes du XIXème siècle nous indiquent que dans quelques cantons meusiens, le jour de l’Epiphanie voyait également quêter trois enfants déguisés en rois mages. Dans certaines vallées vosgiennes, il arrivait que les rois désignés par la fève aillent de porte en porte chanter quelques cantiques pour gagner un peu d’argent. Le produit de leur quête était évidemment dépensé à la taverne du coin, où les rois, oubliant les couronnes de papier qu’ils avaient sur la tête, faisaient bombance jusque tard dans la nuit. Certes, on était loin des savants venus d’Orient dont parle l’Evangile. Mais des buveurs, assurément, ce devait bien être les rois !
Moi, j’adore. Si seulement, nos contemporains prenaient le temps de lire ce genre d’anecdotes, elles leur réjouiraient la journée. Pour savoir ce que l’on est, il faut connaître ce que l’on était. C’est dommage que tout s’oublie aussi merci à vous de nous raconter les histoires d’antan.