Kévin GOEURIOT
Et voilà déjà notre année lorraine qui s’achève ! Que le temps passe vite, me direz-vous. L’année s’achève avec les préparatifs du fameux Réveillon de la Saint-Sylvestre. Dernière soirée de l’année que celle du Nouvel An. Et quelle soirée !
Ce Réveillon, en Lorraine, est marqué par un certain nombre de traditions. Nos ancêtres accordaient un pouvoir surnaturel aux douze jours qui séparent Noël de l’Epiphanie. Ernest Auricoste de Lazarque, auteur fameux de la Cuisine messine, nous rapporte par exemple que ceux qui voulaient se prémunir de fièvres et de douleurs pour l’année à venir devaient, pendant cette période, boire douze fois à la source qui coule derrière le monastère de Saint-Pierremont, près de Briey. Dans la Woëvre, au XIXème siècle, on se gardait de faire la lessive entre Noël et Nouvel An, et dans le Pays-Haut, on pensait que changer de chemise pendant la dernière semaine de l’année revenait à se suicider ! Les derniers jours de l’année, rappelons que, jusqu’en 1582, l’année s’achevait, en Lorraine, le 25 mars et non le 31 décembre, étaient autrefois réservés à quelques visites de courtoisie. Dans le Saintois et dans la Woëvre, mais aussi sur le plateau mosellan, les manouvriers avaient coutume d’inviter leurs patrons, laboureurs, à un modeste repas. On buvait du vin, on mangeait du gâteau et l’on se quittait en se souhaitant la bonne année. Plus fréquemment, il arrivait que l’on organise, le 31 décembre au soir, une veillée au coin du feu. Chacun apportait une bûche, pour chauffer toute la nuit, quelques provisions, et l’on passait la soirée ainsi, à la lueur de l’âtre, à grignoter, à parler de tout et de rien, à rire et à s’aimer.
De toutes ces traditions, seule la dernière semble avoir perduré. Encore l’a-t-elle fait en subissant d’importantes altérations. Car de veillée, il vaudrait mieux parler, aujourd’hui, de Réveillon. Et le repas frugal que prenaient nos ancêtres a été remplacé par un copieux repas, abondant et luxueux, arrosé de champagne et de vins fins. La lueur des feux d’artifices et des boules à facette a évincé celle de la cheminée. La musique et la danse ont supplanté les fiauves et les vieilles histoires à rire que l’on se racontait en langue régionale.
Nos Réveillons de la Saint-Sylvestre n’ont plus rien à voir avec ceux qu’organisaient nos grands-parents. Aujourd’hui, c’est la télévision qui décompte les douze coups de minuit. Jadis, c’était la vieille horloge comtoise qui, dans son caisson de bois, s’acquittait religieusement de la besogne. En Moselle-Est, on enterre l’année passée avec force pétards et autres détonations. On se pare de ses plus beaux vêtements : cravates de soie, nœuds papillons et robes pailletées. Autant d’accoutrements qui feraient peut-être sourire nos aïeux.
Mais que voulez-vous, tempus fugit ! Ainsi vont les choses. Et le temps, dans sa course effrénée, a tôt fait de réduire l’avenir en passé. Le vieux Saint Sylvestre n’y peut rien. L’horloge tourne, les minutes finissent par devenir des heures, qui deviennent des journées et, quand un peu plus de trois-cent soixante-cinq d’entre elles se sont écoulées, c’est toute une année qu’il faut recommencer.
Le temps passe. Alors, que passe le temps ! Passent les jours et les saisons, les minutes et les années. Les coutumes et les traditions, elles, ne passent pas. Elles se renouvellent, se réinventent chaque jour, se bousculent, s’effacent pour mieux renaître. Comme pour dire, à chacun, combien le temps passe vite. Comme pour répéter, en somme, la jolie phrase inscrite sur le cadran solaire qui orne un des pignons de la Rue de la chèvre, à Metz :
« Passant, prends le temps. Sinon, il te prend »
Excellent Réveillon à toutes et à tous ! Et à l’année prochaine, pour les bonnes veusses !
