Conservé dans les collections du Musée Lorrain à Nancy, le livre d’heures de Philippe de Gueldre est une véritable merveille d’enluminure. Comme la plupart des manuscrits du genre, il regroupe les prières censées être récitées à heures fixes. D’où le nom de « livre d’heures ». Il a été copié et enluminé pour Philippe de Gueldre, la seconde épouse du Duc René II de Lorraine, celui qui était parvenu à vaincre les troupes bourguignonnes de Charles le Téméraire, le 5 janvier 1477.
L’enluminure ici présentée figure une pietà, c’est-à-dire une scène où la Vierge Marie pleure le corps de son fils tout juste dépendu de la croix. Ce thème sera particulièrement en vogue à la fin du Moyen-âge et à la Renaissance. Il inspirera notamment les sculpteurs de l’époque, qu’il s’agisse de Michel-Ange ou du samiellois Ligier Richier. Sur cette scène, la Vierge est accompagnée par Saint Jean l’évangéliste, ainsi que par deux anges qui pleurent. A l’arrière-plan, l’artiste a représenté Jérusalem avec la Colline du Golgotha, sur laquelle se dresse les trois croix vides : celle du Christ au centre et celles où furent suppliciés le bon et le mauvais larron.

Les marges qui encadrent la vignette sont typiques de l’enluminure de la fin du XVème siècle. Elles nous montrent des rinceaux de feuillages, des fleurs et des lambrequins ainsi que quelques serpents et des animaux fantastiques. On retrouve, ici, la dialectique qui consiste à réserver le sacré au centre de la page et le grotesque aux marges, c’est-à-dire à ce qui est marginal. Exactement comme dans l’architecture religieuse de l’époque, où l’on met le sacré au centre de l’église et le grotesque à l’extérieur, avec gargouilles et autres chimères.
Une enluminure donc, tirée d’un livre d’heures que feuilletait, il y a cinq cent ans, notre bonne Duchesse Philippe de Gueldre.