Puissamment assise sur son éperon rocheux, la forteresse de Châtel-sur-Moselle, dans les Vosges, veille depuis des siècles sur le passage hautement stratégique de la Moselle. Elle est en effet située au croisement de trois anciennes voies romaines et au débouché de la Route de Bourgogne. Il n’est donc pas étonnant de constater que la forteresse joua un rôle important tout au long de l’histoire. Au point d’être considérée, n’en déplaise à certains, comme le plus grand château-fort d’Europe !

Les historiens situent aujourd’hui entre 1072 et 1100 la construction d’un premier château à Châtel. Celui-ci se composait alors principalement d’un imposant donjon, servant de résidence seigneuriale, de quatre étages et haut de 35 mètres. D’abord possession des Comtes de Vaudémont, branche cadette de la Maison de Lorraine depuis 1072, le site de Châtel passa successivement sous la suzeraineté des Comtes de Bar vers 1200, puis sous celle de la puissante famille comtoise des Sires de Neufchâtel par mariage en 1373. Ces derniers firent de Châtel un centre important d’influence bourguignonne. Ce n’est qu’en 1544 que le château-fort agrandi de Châtel devint lorrain par échange.
La forteresse résista courageusement à l’invasion française durant la Guerre de Trente ans et changea neuf fois de main entre 1634 et 1670 en autant de sièges successifs. Son démantèlement fut ordonné par les Français en 1671. Ces derniers menaient en effet une politique systématique. A chaque prise de ville fortifiée ou de château, ils y détruisaient tous les éléments militaires. Le même sort fut bien évidemment réservé à la forteresse de Châtel-sur-Moselle. Les Français commencèrent par faire sauter les tours et les principaux bâtiments avec de la poudre. Mais devant la puissance de la forteresse, ils comprirent très vite que la facture de poudre allait revenir chère. Ils arçonnèrent par conséquent la population à recouvrir le château de terre, quatre mois durant. Ce qui permis finalement de nous la restituer en partie jusqu’à aujourd’hui au terme d’un long travail de dégagement qui se poursuit encore actuellement. C’est ce travail que mène patiemment depuis 1972 l’Association du Vieux Châtel. Elle permit en outre à ses débuts d’empêcher la construction de deux nouveaux immeubles sur le château enterré. Même si, deux autres bâtiments avaient été élevés quelques années auparavant, avant que ces verrues ne soient récemment déconstruites.
Bâti sur un promontoire calcaire au bord de la Moselle et isolé du plateau par de puissants fossés de 57 mètres de largeur, le château dominait la ville et son enceinte, flanquée de douze tours et dotée de deux porteries. Trois extensions successives permirent de faire de cette forteresse la plus grande d’Europe. Le château primitif des XIème et XIIème siècles fut d’abord agrandi vers le milieu du XIIIème siècle. Mais ce n’est qu’au XVème siècle, vers 1410-1420, puis vers 1444-1460, qu’il connut une extension considérable et une précoce adaptation à l’artillerie. La longueur cumulée des ses deux enceintes, constituées de 21 tours, atteignait 1,4 km !
Un réseau complexe de plusieurs niveaux de galeries réunissait les ouvrages de défense et permettait de faire communiquer le château avec la ville basse et la rive de la Moselle. Une grande partie de ce réseau a d’ores et déjà été dégagé. Les souterrains de la forteresse constituent la majeure partie de la visite. C’est là, au fil des caves voûtées, des salles de gardes et autres pièces médiévales parfaitement conservées, que s’apprécie pleinement l’élaboration et le fonctionnement de ce gigantesque outil défensif. Un léger ruissellement accompagne les pas du curieux qui se trouve très vite conquis par la majesté et la beauté des lieux. Les visiteurs croisent ainsi au bout d’une profonde galerie une étroite rivière souterraine qui permettait aux assiégés de ne pas manquer de réserve d’eau, et ce, à l’insu de l’ennemi. Ce cliquetis ajouté à la pénombre ambiante contribue à créer une atmosphère étrange et mystérieuse.
Après avoir regagné la surface, une promenade autour des remparts s’impose et permet d’apprécier de l’extérieur toute la puissance de l’édifice. Car en arrivant sur le promontoire rocheux, les vestiges mis à jour laissent à peine entrevoir que sous nos pieds gis encore une partie non négligeable de ce qui fut la plus grande forteresse d’Europe. S’il est possible aujourd’hui d’explorer plus en profondeur ce fabuleux édifice, il ne faut pas oublier que le chantier continue. Ainsi, chaque année, grâce à des bénévoles internationaux et à des contrats emploi-solidarité qui œuvrent au dégagement et à la consolidation des tours et des murailles, Châtel se révèle toujours un peu plus. Si bien que petit à petit, la forteresse autrefois enterrée par les Français refait surface, pour mieux nous livrer tous ses secrets.
A noter enfin que quelques dizaines de mètres plus haut sur le promontoire, un petit détour par l’église Saint-Laurent, qui date du XVème siècle, complète agréablement la plongée dans l’univers médiévale de Châtel-sur-Moselle.