Terre éminemment chrétienne, la Lorraine est aussi une terre de vieille celticité. Un peu partout, dans le pays, des menhirs, des oppida, des sites plus ou moins énigmatiques témoignent des cultes que nos lointains ancêtres vouaient à la nature et au cycle des saisons. Il est impossible de comprendre nos fêtes et traditions actuelles sans connaître un tant soit peu le vieux calendrier celtique. Ce dernier, ponctué de célébrations à la fois simples et symboliques nous permet d’ouvrir une sorte de porte magique à travers l’espace-temps. Il nous force à prendre la mesure du temps long. A regarder les choses bien au-delà de nos courtes existences.
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Saviez-vous ainsi que chez les Celtes, l’année ne commençait pas au 1er janvier ? Ni même à Pâques ou à la fête de l’Annonciation. C’était à l’occasion de la fête de Samain, parfois désignée sous les noms de Samhain ou Samonios, que les druides avaient coutume de changer de millésime. Cette fête se déroulait dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre. Chacun était obligé d’y assister, sous peine de mort ! Toute la société se réunissait alors autour des druides : chefs de guerre, roitelets, artisans, paysans, forgerons, bardes, tous se retrouvaient pour célébrer notamment le culte des morts et le souvenir des ancêtres. Car les Celtes estimaient en effet que, durant cette nuit magique, certaines portes s’ouvraient et qui permettaient de faire communiquer le monde des morts avec celui des vivants. La fête de Samain, qui devait bien plus tard déboucher sur les traditions d’Halloween, faisait également passer de la saison lumineuse à la saison sombre. Elle était suivie par la fête de Yule, qui se tenait traditionnellement autour du solstice d’hiver. Elle réunissait le cercle familial autour d’un feu, alimenté notamment par une solide bûche ornée de lierre.
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Musée gallo-romain de Fourvière)
Vers le début du mois de février, les Celtes avaient coutume de célébrer Imbolc. C’était une fête de la purification. Il s’agissait alors de prendre un bain rituel, afin de se débarrasser des scories de l’hiver et d’appeler le retour des beaux jours. Venait ensuite la fête d’Ostara. Elle se déroulait autour de l’équinoxe de printemps. Célébration de la vie, de la nature et du renouveau, elle était l’occasion de décorer les maisons de feuillages nouveaux et des premières fleurs.
Le solstice d’été, connu sous le nom de Litha, donnait lieu à d’immenses brasiers auprès desquels on faisait défiler les troupeaux. On célébrait la lumière, les jours démesurément longs, la chaleur et les prochaines récoltes à venir. La fête des moissons, qui se tenait au début du mois d’août, était connue chez les Celtes sous le nom de Lugnasad. Nom par ailleurs donné à un whisky lorrain, fabriqué à Void-Vacon. Lugnasad, c’est l’occasion de danser car le blé est enfin en grange et les gros travaux sont achevés.
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Venait ensuite la fête de Mabon, autour de l’équinoxe d’automne. On la célébrait en dégustant des pommes, et en commençant à ranger la maison pour la saison d’hiver. L’année se terminait alors, la fête de Samain approchait, et chacun s’apprêtait à entrer dans un nouveau millésime.
Ce calendrier celtique, totalement oublié de nos jours, est pourtant le substrat sur lequel se sont greffées l’ensemble de nos fêtes, coutumes et traditions. L’Eglise, bien sûr, a cherché à christianiser chacune de ces fêtes. Noël a remplacé Yule. La Chandeleur a éclipsé Imbolc. Pâques a supplanté Ostara. Les bûles de la Saint Jean masquent les bûchers dressés à l’occasion de Litha et Samain s’est effacé devant Halloween et la Toussaint. Pourtant, dès lors que l’on gratte le vernis, on retrouve des constantes. Des liens. Des éléments, parfois troublants. De grands feux pour le solstice d’été. Une bûche pour célébrer Yule. Les fleurs et le feuillage qui marquent la fête celtique de Beltaine font immanquablement penser à ce qui se pratiquait à l’occasion des mais et du Trimazo. Quant aux morts qui reviennent hanter le monde des vivants à l’occasion de Samain, ils sont proches, très proches, de ces morts que l’on commémore aux alentours de la Toussaint.
Ce qui est présenté ici est surtout le calendrier de la wicca, mouvement néopaïen d’origine américaine, qui a mélangé les fêtes celtiques et germaniques. Si Samonios, Lugnasadh, Imbolc etc. sont bien des noms celtiques ; Ostara, Yule, Litha etc. sont quant à eux des noms germaniques. Ainsi les celtes n’utilisaient pas le terme de Yule mais celui de Noïohel qui, en gaulois signifie « nouveau soleil ». À noter par ailleurs que sur le calendrier gaulois de Cologny, on y a retrouvé le nom Dummanios pour le mois de décembre et qui pourrait se traduire par « fumigation » ou « brouillard ».
Ostara (déesse germanique) n’a rien de celtique et ne se célébrait peut-être pas le jour de l’équinoxe du printemps comme on le voit souvent, mais plutôt à la pleine lune qui suivait. C’est pour cela que nous avons deux fêtes chrétiennes, l’Annonciation le 25 mars pour remplacer la fête de l’équinoxe dont on n’a perdu le nom, aussi bien chez les celtes que chez les germains, et la fête de Pâques qui a remplacé Ostara et qui explique pourquoi cette fête n’est pas à une date fixe et pourquoi elle porte encore aujourd’hui les noms d’Ostern en allemand et Easter en anglais.
Quant à Samain c’est du gaélique irlandais, en Lorraine il vaut mieux donc utiliser le nom gaulois de Samonios qui peut signifier « terme, résumée ou bilan de la saison estivale ».
Il est possible de découvrir ici : (Fêtes et coutumes) https://berianasso.wordpress.com/coutumes-et-legendes/ nos travaux sur les fêtes de la roue de l’année où nous avons tant bien que mal essayé de déceler ce qui est celtique de ce qui est germanique, à travers les coutumes populaires de la Lorraine des siècles passés.