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Histoire de l’aître fortifié d’Arnaville dans le Rupt-de-Mad

L'aître fortifié d'Arnaville dans la Vallée du Rupt-de-Mad (Crédits photo : Manuel BAZAILLE pour le Groupe BLE Lorraine)

Alors que l’Empire romain atteignait son crépuscule, avant même l’avènement de Clovis en Gaule, des clans francs s’installèrent pacifiquement dans la Vallée du Rupt-de-Mad. Bien souvent, ces nouveaux arrivants prirent possession d’anciens domaines, les villas gallo-romaines, dont l’une des parties, la pars urbana, était constituée d’immeubles résidentiels servant à loger le maître du domaine et sa famille, tandis que l’autre, la pars rustica, regroupait les bâtiments consacrés à l’exploitation agricole et au logement du personnel. Non dénués de bon sens, ces « barbares » germaniques poursuivirent l’implantation et l’exploitation de la vigne sur le versant gauche de la rivière, mieux exposé au Soleil. A Arnaville, ces deux parties restèrent séparées jusqu’au XVIIIème siècle, le quartier s’étant développé autour de l’église Saint-Etienne, au pied du Rudemont, faisant sa jonction à cette époque avec celui du Pallon, dont le nom rappelle l’existence, à l’époque celtique, d’un oppidum.

aître Arnaville
Aître fortifié d’Arnaville (Crédits photo : Manuel BAZAILLE pour le Groupe BLE Lorraine)

Avec la christianisation, un sanctuaire et son cimetière, espace sacré dénommé aître, apparaissent. Peu nombreux, les guerriers francs rassemblèrent autour de leur quartier, formé d’un pâté de maisons et de maisonnettes entourant l’espace religieux, des paysans des environs. Dès l’an mille, le tout formait un ensemble défensif en forme de fer à cheval, l’entrée dans l’aître se faisant par un étroit passage pouvant facilement être fermé. La tour-clocher de l’église, construite à l’emplacement de l’ancienne chapelle domaniale, qui elle-même avait succédé à un ancien oratoire, servait de refuge aux habitants en cas de danger. De type roman, elle était fortifiée, ses murs atteignant presque les deux mètres d’épaisseur. Comme la cathédrale de Metz, l’église avait été dédiée à Saint Etienne, considéré par les Chrétiens comme leur premier martyr et dont le culte était très populaire au début du Vème siècle.

Eglise Saint-Etienne d’Arnaville (Crédits photo : Aimelaime)

Contrairement aux villages voisins de la Vallée du Rupt-de-Mad, Arnaville ne doit pas son nom au chef franc s’y étant installé au Vème siècle avec son clan. En effet, l’Arnoldi villa citée en 851 dans le cartulaire de Gorze fait référence à Arnoald, prélat de la cité des Médiomatriques de 603 à 611, descendant de l’une des filles du Roi franc Chlodéric et possesseur du domaine d’Arnaville. L’Evêque et Comte de Metz était alors le propriétaire de cette cour domaniale et, par conséquent, son seigneur. Toutefois, ce domaine était certainement géré localement par une personne le représentant.

En 967, les bénédictins de l’Abbaye de Gorze achetaient la vigne entourant la chapelle, encore propriété laïque, bientôt transformée en église. Vers l’an mille, le finage d’Arnaville était divisé en trois bans souvent rivaux, Saint Pierre appartenant au Duc de Lorraine, Saint Gorgon à l’Abbaye de Gorze et Saint Vanne à l’Evêque de Verdun.  En 1221, l’Evêque de Metz, Conrad de Scharfenberg, donnait l’église et ses dépendances à l’Abbaye de Gorze. Un ensemble de bâtiments de l’aître, abritant cure et manoirs, proche de la porte d’entrée, fut dénommé la Grande Maison de Gorze ou encore le Château d’Amour. Dans l’autre partie se trouvaient des celliers, des pressoirs et des vendangeoirs autour desquelles s’activaient les vignerons.

Arnaville (Crédits photo : Paul SCHAACK pour le Groupe BLE Lorraine)

De tous les aîtres fortifiés de la Vallée du Rupt-de-Mad, Arnaville est celui qui souffrit le plus lors de la Guerre de Trente ans. Ainsi en 1635, les troupes du Maréchal de La Force pillaient et saccageaient la localité avant de mettre le siège devant l’aître, dénommé château dans certaines sources, où les habitants s’étaient réfugiés. Français et Lorrains croisèrent le fer dans des combats meurtriers. Finalement, les Arnavillois se rendirent, les Français les obligeant à abattre les fortifications de l’aître. En 1642, le village, désormais sans aucunes défenses, était à nouveau pillé et les maisons brûlées. Au XVIIIème siècle, ce qui restait de l’aile droite du fer à cheval disparut complétement. La population ayant augmenté, la nef de l’église Saint-Etienne fut agrandie dans la deuxième moitié du XVIIIème siècle. En 1944, c’est la partie basse de l’aile gauche qui fut détruite par les Allemands. Le porche d’entrée dans l’aître disparut à cette époque.

Fenêtres géminées dans l’aître fortifié d’Arnaville (Crédits photo : Manuel BAZAILLE pour le Groupe BLE Lorraine)

Malgré tous ces faits guerriers et ces destructions, en entrant dans l’aître, nous pouvons encore apercevoir dans sa partie occidentale des maisons médiévales avec de belles fenêtres géminées.

Rédigé par Manuel BAZAILLE

Historien, auteur lorrain, guide conférencier et photographe du patrimoine pour le Groupe BLE Lorraine.

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