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Chandeleur en Lorraine

Avec son nom étrange, la fête de la Chandeleur suscite bien des interrogations. Si nombre de Lorrains célèbrent la date en confectionnant quelques traditionnelles crêpes, rares sont ceux qui savent, au juste, à quelle symbolique se rattache cette curieuse coutume.

Fêtée chaque 2 février, la Chandeleur se positionne, dans notre calendrier, quarante jours après Noël. Ce qui en fait la dernière fête du cycle de la Nativité. D’où la tradition qui voulait autrefois que l’on ne démonte la crèche de Noël qu’au jour de la Chandeleur. Il est important de rappeler qu’avant d’être la fête des crêpes, la Chandeleur est une date essentielle dans la liturgie chrétienne, puisqu’elle célèbre la présentation de Jésus au temple. Attestée en Orient dès le IVème siècle, cette fête a su prendre, au fil du temps, une symbolique complexe. Ainsi, à partir du XIVème siècle, les fidèles qui célèbrent la Chandeleur prennent l’habitude d’organiser une procession, uniquement illuminée par des cierges. Ces cierges, destinés à rappeler l’allongement des journées et le retour de la belle saison, étaient ensuite ramenés dans les maisons, où ils étaient censés éloigner les mauvais esprits. C’est de là que viendrait le mot « Chandeleur ». La « fête des chandelles » ayant peu à peu remplacé l’antique célébration de la présentation au temple.

Présentation de Jésus au temple
Présentation de Jésus au temple, Andrea Mantegna, 1465

Il n’est pas impossible que cette procession aux chandelles soit une réminiscence de quelque culte antique. On sait en effet que les peuples Celtes avaient coutume de célébrer, au début du mois de février, le retour de la lumière et la prochaine venue des beaux jours. La fête, qu’ils nommaient « Imbolc », consistait vraisemblablement à ériger de grands brasiers, entre lesquels on faisait défiler hommes et bêtes pour les purifier. Les Romains eux-mêmes fêtaient, à travers les Lupercales, vers la mi-février, le retour de la nature et la purification du monde.

Si les historiens s’accordent assez bien sur les liens qui existent, à propos de la Chandeleur, entre les rites païens et le christianisme, ils fournissent assez peu d’explication quant aux crêpes qui sont traditionnellement cuisinées chaque 2 février. Pour les uns, le gâteau s’apparenterait, par sa forme et sa couleur, à un symbole solaire qui annoncerait, au même titre que les chandelles, le retour des beaux jours. D’autres soutiennent en revanche que la tradition remonterait au temps du Pape Gélase Ier, c’est-à-dire à l’extrême fin du Vème siècle. Plein de générosité, le souverain pontife aurait pris l’habitude de faire distribuer des crêpes ou des sortes de petits gâteaux en forme de disque aux pèlerins qui se rendaient à Rome, sur la tombe de Saint Pierre. Légende ou vérité ? Toujours est-il que les Lorrains s’adonnent, presque religieusement, à la coutume. Chaque 2 février, les cuisines de la région s’emplissent de rires et de bonne humeur. D’un geste leste et précis, chacun s’applique à retourner dans la poêle la traditionnelle vaute, comme on dit chez nous. Une vieille superstition prétend même que si l’on veut s’attirer argent et prospérité, il faut exécuter ce geste avec un Louis d’or dans la main gauche. Et bien-sûr, réussir l’opération ! Or, comme les Louis d’or se font rares dans les chaumières, nombre de Lorrains utilisent, pour cette ancestrale superstition, une pièce d’un ou de deux euros. Laquelle pièce, bien que moderne, fonctionnerait presque aussi bien que le Louis d’or.

crêpes cuisson
Confection de crêpes pour la Chandeleur (Crédits photo : Benoît Prieur)

Chez nos voisins Luxembourgeois, la Chandeleur conserve le sens que lui connaissaient nos ancêtres. Encore appelée « Liichtmëssdag », la fête permet aux enfants de défiler dans les rues avec des torches ou des lampions et de quémander, de porte en porte, quelques friandises.

Fête de la présentation au temple, des crêpes ou des chandelles, la Chandeleur est avant tout l’occasion, pour de nombreuses familles, de se retrouver et de partager un repas simple mais convivial. Inutile de préciser que chez nous, les crêpes sont garnies, d’abord et avant tout, de confiture de mirabelles.

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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