C’est une histoire incroyable que je vais vous conter aujourd’hui ! Une histoire qui commence très loin de notre Lorraine. Et qui se termine également très loin de notre Lorraine. L’histoire que voici débute ainsi en Orient, dans la cité de Myre, en Lycie, une province méridionale de l’actuelle Turquie. Nous sommes le 6 décembre de l’an 343 et l’évêque local, prénommé Nicolas, vient de rendre son âme à Dieu. Ses ouailles le pleurent amèrement. Car durant sa vie, Nicolas n’a fait que multiplier les actes de charité. On raconte en effet qu’il a doté trois jeunes filles, afin de les sauver de la prostitution. On raconte aussi qu’il a intercédé auprès de l’Empereur pour épargner la vie de trois jeunes soldats qui auraient dû être mis à mort. Quelle belle vie a eu Nicolas ! On se souviendra de ses actes, assurément. Mais Nicolas est mort. Et enterré. Ses reliques reposent à Myre. Et elles font l’objet, déjà, d’une certaine vénération.
L’histoire se poursuit à Bari, dans le talon de la botte italienne. Nous sommes désormais au mois de mai 1087. Des marchands italiens rapportent dans leur navire un étrange trésor. Il s’agit de la dépouille de Nicolas, devenu, entre-temps, Saint Nicolas. Les navigateurs ont cru bon de transférer les restes du pieux évêque. La dépouille sera en lieu sûr, se disent-ils. Et loin des mains des infidèles.
Quelques années plus tard, en 1098, un moine lorrain du nom d’Aubert de Varangéville rapporte de son voyage en Italie un curieux souvenir. Il s’agit d’une phalange, un os appartenant aux restes de Saint Nicolas. Vol ? Don gratuit ? On ne sait pas au juste. Toujours est-il que la relique va attirer sur les rives de la Meurthe quelques pèlerins et autres voyageurs pétris de foi.
L’histoire se poursuit encore. Le samedi 4 janvier 1477, veillée d’armes dans la petite ville de Saint-Nicolas-de-Port. Le jeune Duc de Lorraine René II s’apprête à livrer bataille contre Charles le Téméraire, le très puissant Duc de Bourgogne. Il harangue ses troupes : « Soldats ! si je gagne la bataille, je promets d’ériger ici une vaste basilique dédiée à Monseigneur Saint Nicolas ». Le lendemain, il vaincu le Bourguignon. La basilique sera érigée. Et la Lorraine d’être placée sous l’auguste protection du grand Saint Nicolas.
L’histoire se poursuit encore. A la faveur des voyageurs, des marchands et des pèlerins, le culte à Saint Nicolas se répand dans tout l’espace lotharingien. De Bari à Nimègue, le long des Alpes, de la Meuse, de la Moselle et du Rhin, Saint Nicolas jouit d’une ferveur toute particulière. On le prie. On l’invoque. Il devient patron des écoliers, des enfants sages, des mariniers et des marins. En Lorraine germanique, on l’appelle Nikloos, ou simplement Sankt Nicholaus. Chez les Hollandais, grand peuple de marins s’il en est, il est évidemment très populaire.
Et l’histoire se poursuit, de l’autre côté de l’Atlantique, lorsque ces Hollandais exportent leur Sint Niklaas à la Nouvelle Amsterdam, qui deviendra New York un peu plus tard. Sint Niklaas, vêtu de sa houppelande verte, apporte des cadeaux et des friandises aux petits enfants sages. Sint Niklaas, qui deviendra Santa Claus et que le marketing américain affublera d’une houppelande rouge, parce qu’il paraît que c’est plus vendeur. Santa Claus est né. Ou le Père Noël américain, que l’on trouve désormais d’un bout à l’autre de la planète.
Et alors, me direz-vous, quel rapport avec notre Saint Nicolas, notre bon patron des Lorrains ? Eh bien on le voit : la Lorraine, ou pour mieux dire, l’espace lotharingien, a joué un véritable rôle de passeur. Elle est le pont jeté entre l’Orient et l’Occident. Entre le passé et le présent. Terre d’entre-deux, si longtemps ballotée entre les mondes latin et germanique, la Lorraine s’illustre encore, ici, par son rôle de trait d’union.
Saint Nicolas, notre bon patron, est la preuve qu’un pont vaut mieux que mille murs ! Excellente fête à tous les Lorrains, d’ici et d’ailleurs ! Et joyeuse Saint Nicolas à tous les enfants sages !