Nicolas Chopin naquît en 1771 dans une Lorraine tout juste annexée par la France. Il passa son enfance entre les vergers de mirabelliers, avant de partir vers la Pologne, quittant ainsi une vie d’une richesse culturelle extraordinaire, qu’il dût en grande partie à son éducation forgée près de Marainville, dans la Plaine des Vosges. Il laissa dans la peine un fils au génie musical absolu, Frédéric, dont on a célébré en 2010 le bicentenaire de sa naissance.
Comme le retrace Gabriel Ladaique dans son ouvrage publié en 1999 intitulé Les Origines Lorraine de Chopin, l’histoire commence donc dans les Vosges, à Marainville-sur-Madon, dans ce village-rue posé délicatement autour du château du Comte Pac. Non loin de là s’étend la Vallée du Madon, paisible rivière poissonneuse. Jeune homme ambitieux, Nicolas Chopin comprend très tôt l’intérêt de s’éduquer. C’est ce qu’il entreprit au Gymnasium Tantimontanum, lieu-dit aujourd’hui perdu et oublié entre Charmes et Mirecourt. Le collège religieux, situé à cinq kilomètres de chez lui, enseignait l’astronomie, la calligraphie, le calcul et même les sciences occultes, que les Abbesses de Remiremont pratiquaient sans complexe, comme en témoigne le svastika oriental gravée sur la façade du bâtiment et encore intacte deux siècles plus tard.
La maison natale de Nicolas Chopin à Marainville est encore visible de nos jours. C’est une ferme lorraine classique, assez basse, qui se divise en une large grange et une partie d’habitation étroite, toute en profondeur. Elle est bien entendu prolongée à l’avant par un usoir où l’on empilait le foin et le bois. Les fenêtres de la bâtisse donnent sur l’église, là où ont été baptisés Nicolas et ses deux sœurs. Le petit Nicolas a laissé quelques traces de son passage dans le village, mémoire d’un souvenir invisible mais toujours présent. Il a en effet gravé au couteau ses initiales (C.N. 1777) au dos de plusieurs bancs de l’église pendant les cours de catéchisme.
Au moment où la Cour souveraine de Lorraine des châteaux de Lunéville et de Commercy, ainsi que du Palais Ducal de Nancy rivalisait pour singer Versailles, le château de Marainville, dont il ne reste malheureusement plus qu’une pierre taillée marquant l’entrée du domaine et une dépendance en ruine, accueillait en plein Siècle des Lumières des musiciens, des philosophes et des savants qui conversaient dans les allées plantées d’orangers et de lauriers. Nicolas Chopin fit de Mme Weydlich une marraine intellectuelle. La fréquentation de la vie du château vosgien, où il apprit la musique, compléta harmonieusement l’enseignement du collège de Tantimont. Mme Weydlich l’aida par ailleurs à se procurer un violon de Mirecourt qu’il emporta par la suite toujours avec lui.
Nicolas Chopin avait quatorze ans lorsqu’il apprit par la bouche de l’intendant que le Comte Pac voulait vendre son château. Tout un monde s’effondrait alors autour de lui. Avec la conscience politique aiguë acquise au château, le jeune Chopin embrassa la cause des confédérés unis contre le Tsar de Russie. Il décida alors de quitter la Lorraine pour Varsovie avec Mme Weydlich qui partait retrouver son mari en Moravie. Nicolas franchit la Vistule à l’automne 1787 et devînt comptable à la manufacture de tabac de la cité polonaise. C’est là qu’il rencontra Justina, qu’il épousa en 1806. Le couple donna naissance un an plus tard à Ludwika puis à Frédéric en 1810, Isabella en 1811 et enfin Emilia en 1812. La maison des Chopin à Varsovie accueillit des enfants de familles polonaises aisées, auxquels furent enseignées la littérature, les sciences et la philosophie. C’est dans le salon que s’installa Frédéric au piano dès l’âge de sept ans. Tous les jeunes pensionnaires l’écoutaient avec admiration.
C’est ainsi dans cette ambiance de partage et de rencontres, culturellement riche, que s’épanouit Frédéric Chopin, dont le génie musical et son talent d’improvisateur viennent en partie de son ouverture d’esprit. Autant de traces et de souvenirs de l’éducation de son père fondée en Lorraine sur les bases du collège de Tantimont et du château de Marainville.
Aujourd’hui, les nombreuses tombes des membres de la parentèle de Nicolas Chopin au cimetière de Xirocourt en rappellent la mémoire, en attendant la création d’un circuit Chopin dans les Vosges.