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Pour aller danser

Il était une fois dans l’Est lorrain une bande de gamins en pleine adolescence issus du baby-boom d’après-guerre. C’était le temps des mobylettes du genre Flandria, Peugeot, Motobécane et autres engins pétaradants à qui mieux mieux pour essayer d’attirer l’attention des jeunes demoiselles qui avaient mis leurs plus belles robes pour se promener les dimanches après-midi quand le Soleil illuminait leurs doux visages. Simplement pour aller danser.

C’était en effet le temps des thés dansants, des surprises-parties et naturellement des bals populaires. Après avoir lissé nos cheveux avec de la brillantine ou d’une couche grasse de Pento pour maîtriser nos mèches rebelles, nous mettions notre costume et notre chemise blanche fermée aux poignées par des boutons de manchettes et le col serré par une belle cravate à rayures ou à petits poids. On se rendait ensuite dans la salle attenante au café du village pour aller danser les slows langoureux des J’entends siffler le train qui nous emmenaient en rêve sur les plages du romantisme jusqu’à ce que Capri soit fini. Puis, les musiciens, après s’être accordés une pause pour déguster un verre de bière, entamaient un twist ou une série de rocks endiablés qui nous faisaient tomber la veste, desserrer nos cravates et retrousser nos manches de chemise pour nous déhancher comme de bons petits diables. C’est tout en sueur que nous retournions à notre table pour nous rafraîchir avec un diabolo menthe, une grenadine ou autre boisson désaltérante.

Pour ma part, j’aimais bien danser les tangos, les valses lentes et autres slows, joue contre joue parfois avec une demoiselle, dont les cheveux avaient été lavés avec du vinaigre pour rehausser leur éclat. Bien entendu, dès que les premières notes d’une danse retentissaient, on bousculait nos chaises pour être le premier à avoir l’honneur d’inviter une demoiselle qui nous avait tapé dans l’œil. Mais le plus souvent c’était un râteau si nous n’étions pas devancés par un autre prétendant. Finalement, de râteau en râteau on essayait de se rabattre sur celle qui était attablée dans un coin et qui avait eu la charge de veiller sur les sacs de ses copines, alors que celles-ci dansaient dans la lumière tamisée avec les rais de la boule de miroir, dont les facettes offraient une ambiance de rêve. Mais là encore on faisait chou blanc. On allait donc se rasseoir sur notre chaise en attendant patiemment qu’une autre chance nous soit offerte. C’était notre époque de gloire où nous aiguisions nos premières armes pour la vie. Parfois des bagarres éclataient entre jeunes pour une raison ou une autre et cela se terminait généralement à l’extérieur de la salle avec un œil au beurre noir et une lèvre fendue. Mais le week-end suivant on retournait tenter notre chance pour retrouver nos petits bonheurs.

Ils sont bien loin ces temps de rêveries et de douceurs dans le monde d’aujourd’hui, où certaines personnes ne trouvent plus leur place. Le virtuel, avec ses écrans LCD, attire désormais tous les regards en étant seul dans la foule bien loin des relations humaines d’antan.

Rédigé par Gaston THIEL

Amoureux des langues régionales de Lorraine pour le Groupe BLE Lorraine.

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