L’an 1554, Mangin Courcol, receveur et gruyer de la Prévôté de Prény, inscrivait vingt-trois cas d’amendes perçues sur des habitants domiciliés dans des villages relevant de la forteresse ducale. Pour cette année, les délits et la violence populaire furent de trois sortes : insultes, coups et blessures, ainsi que menaces de mort. Vandières, qui comptait huit verbalisations, détenait avec Pagny-sous-Prény, ancienne dénomination de Pagny-sur-Moselle, la première place de ce triste classement, où revenaient souvent les mêmes noms. Ceci ne veut pas dire que les gens y étaient plus violents que dans les autres villages de la Prévôté, mais traduit simplement la forte population alors présente dans ces bourgs. Pour expliquer ces écarts de conduite, les autorités écrivaient que ces impulsifs étaient entrés « en fureur. »
Les insultes
En général, nous retrouvons les mêmes termes employés lors de ces joutes verbales. Si certains mots peuvent aujourd’hui prêter à sourire, il n’en était pas ainsi à l’époque, où le vocabulaire était bien pesé avant d’être employé selon la puissance du verbe. Par exemple, Jehan Legros fut puni d’une amende de trente Gros pour avoir appelé le dit Grosgérard « meschant », terme alors très grave puisqu’il sous-entendait que la victime avait un penchant à faire le mal, ce qui équivalait à une accusation. Dans le même registre, Bastien Cohen, surnommé « Bastien », insulta Pierrot Cordonnier de « coquin, meschant homme et meneur de marelle. » A Vandières, la palme de l’impulsif était détenue par Gillet Le Musnier, sanctionné par trois fois. Tout d’abord, il dut acquitter une somme de trente Gros pour avoir traité la femme de Bastien Cohen de « putainne ». Apparemment remonté contre cette dernière, il fut de nouveau soumis à une contravention de cinq Gros pour avoir déclaré à cette dame « qu’il estoit plus homme de bien que elle femme de bien. »
Les coups et blessures
Parfois, dans un accès de colère, le geste pouvait accompagner la parole. Ainsi, Gillet Le Musnier, toujours aussi excité, fut appréhendé une troisième fois pour avoir administré un coup de poing à Bastien Cohen. Si toutes ces affaires ne déchiraient que des gens de Vandières, la bagarre opposait parfois deux habitants de villages voisins. C’est ce qui arriva lorsque le Vandièrois Claudin Le Grosdidier rencontra Aubertin Le Rouge demeurant à Villers-sous-Prény. L’homme dut verser une somme de trente Gros pour avoir battu jusqu’à plaie et sang le dit Le Rouge. Encore une affaire qui concernait un récidiviste, Jehan Legros. Ce dernier fut condamné pour avoir frappé jusqu’à plaie et sang Gérard Meneguel. Après s’être défoulé, Legros déclara à sa victime qu’elle devrait être pendue.
Les menaces de mort
Pour l’année 1554, une seule affaire faisait écho d’une menace de mort. La personne ayant proféré ces propos se dénommait Jehan Le Petit. L’homme, pour une raison inconnue, se rendit chez le maire de Vandières, François, et lui déclara « qu’il le tueroit. » La démarche était plutôt maladroite puisque le maire, homme de justice du lieu, percevait pour chaque affaire rapportée une partie de l’amende. Par exemple, pour une contravention de trente Gros, le notable récoltait cinq Gros. Au XVIème siècle, dans le village de Vandières et également à Pagny, le poste de maire était une charge qui s’achetait et se vendait. Pour l’occuper, il fallait par conséquent posséder quelques moyens financiers. L’acquéreur, épaulé par ses gens de justice, détenait ainsi la possibilité d’engranger des bénéfices en faisant respecter la loi promulguée par les instances supérieures. D’où, peut-être, parfois, quelques excès … Au siècle suivant, la charge de maire ne s’achetait plus, celui-ci étant désormais élu par les membres de la communauté villageoise, après présentation d’une liste de quelques candidats validée par le seigneur ou par son représentant. Réforme qui ne mit toutefois pas en cause le rôle premier du maire, à savoir être l’homme du seigneur et donc faire appliquer ses lois.
Si, en cette année 1554, des insultes et des coups furent donnés, laissant ainsi transparaître la violence pouvant régner dans nos villages à cette époque, nous remarquons tout de même que certaines bornes ne furent pas dépassées. Ainsi, il y a coup jusqu’au sang mais pas de décès enregistrés à la suite de ces altercations. De même, les insultes, si elles étaient considérées comme graves, restaient dans un certain registre et nous pouvons observer qu’une fut particulièrement évitée. En effet, personne n’utilisa les mots de sorcier ou sorcière, les sous-entendus étant préférés pour dire à quelqu’un qu’on le considérait comme responsable de ses malheurs. Ces termes n’étaient plus des insultes, mais des accusations entraînant l’ouverture d’un procès. Par exemple, parce que sa femme, Marinette, avait insinué que la compagne de Christophe Mangin, habitant de Moulon, était responsable de la mort de son premier mari, le Pagnotin Jehan Lepetitmaire dut débourser trente Gros pour régler une amende. Déjà, des rumeurs couraient au sujet de certaines personnes qui, pour l’heure, étaient dédouanées de tout soupçon. Mais, trente ans plus tard, nous les retrouverons sur les bûchers, offrant ainsi un exutoire aux pulsions populaires.