Menu
in , ,

Trou des fées à Pagny-sur-Moselle

Le Trou des Fées se distingue dans le Bois de Beaume-Haie (Crédits photo : Manuel BAZAILLE pour le Groupe BLE Lorraine)

Au début du XXème siècle, les almanachs décrivaient le site du Trou des fées, perdu dans la forêt de Pagny-sur-Moselle, comme une curiosité à découvrir pour les voyageurs. Car cette petite localité de Meurthe-et-Moselle, sise à quelques kilomètres de la frontière allemande entre 1871 et 1918, était alors dotée d’une gare de stature internationale fréquentée par une multitude de personnes de différentes nationalités. Le temps d’attente d’une correspondance se prêtait tout à fait à une petite balade jusqu’à cet antre forestier.

Le Trou des fées est en fait une grotte qui a donné son nom au bois dans lequel elle s’est formée, à savoir le Bois de Beaume-Haie, c’est-à-dire la haie de la Beaulme, terme dérivant du préceltique « balma » qui signifie grotte. Ici, après avoir marché aux abords du Bois de Chanot, signifiant « petit chêne » en Lorrain roman, il faut entrer dans la forêt et gravir une pente de plus en plus raide, l’altitude grimpant rapidement de 229 mètres à 300 mètres. De nos jours, les arbres, abattus par les grands vents et jonchant encore le sol, obstruent le passage par endroits. Après plusieurs dizaines de mètres à pied, une paroi rocheuse couverte de végétation apparaît.

paroi rocheuse Bois de Beaume-Haie
Paroi rocheuse dans le Bois de Beaume-Haie (Crédits photo : Manuel BAZAILLE pour le Groupe BLE Lorraine)

Ces massives roches calcaires appartiennent aux Côtes de Moselle. Elles se sont formées à l’époque du Jurassique moyen, ou Dogger, à une période s’étendant de 175 millions à 161 millions d’années avant Jésus-Christ. Le calcaire, majoritairement composé de carbonate de calcium et de carbonate de magnésium, roche la plus courante en France, en Suisse et en Belgique, s’est formé à partir des coquillages et squelettes des micro-algues et animaux marins qui peuplaient autrefois cet océan ancien. Avec le temps, le calcaire y a subi le phénomène de karstification, d’où la présence de ce genre de cavités naturelles typiques du Dogger, dont les couches sédimentaires forment le revers du plateau et le front de la côte de Moselle.

Le Trou des Fées de Pagny-sur-Moselle (Crédits photo : Manuel BAZAILLE pour le Groupe BLE Lorraine)

L’entrée du Trou des fées se présente sous la forme d’une ouverture d’une soixantaine de centimètres de côté, dans laquelle se sont engouffrés et entassés des amas végétaux. Pour y pénétrer, il est nécessaire de se mettre à quatre pattes. A l’intérieur de la grotte, un étroit couloir de quelques mètres, en grande partie bouché par des amas végétaux, mène à une salle de cinq mètres de long, de 2,50 mètres de large et d’une hauteur de 1,50 mètre.

A quelques mètres de l’entrée principale apparaissent d’autres petites ouvertures. Ces cavités, que l’on rencontre dans les paysages karstiques, sont dues à l’érosion hydro-chimique et hydraulique du calcaire composé au moins de 50% de carbonates. Le paysage karstique tourmenté de cet endroit de la forêt est amplifié par la présence d’arbres tombés lors de tempêtes ayant parcouru le secteur ces dernières années.

Entrée du Trou des Fées (Crédits photo : Manuel BAZAILLE pour le Groupe BLE Lorraine)

Il n’est pas impossible que cette grotte ait été occupée par un groupe humain à l’époque préhistorique. Ce qui est sûr, c’est que cet amas de roches constituées de cavités intrigua à un tel point les paysans du Moyen-âge qu’ils en attribuèrent l’origine à des êtres surnaturels, d’où le nom de Trou des fées qu’ils donnèrent à ce lieu. Nous pouvons aussi supposer que cet endroit fut fréquenté par les sorcières de la fin du XVIème et du début du XVIIème siècles lors de leurs sabbats. En effet, plusieurs d’entre elles, soumises à la question lors de leur procès, avouèrent avoir participé à des assemblées maléfiques sur la Côte de Pagny. A une époque plus récente, la grotte aurait servi de cachette à des réfractaires lors de l’occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Actuellement, le lieu est peu fréquenté, beaucoup de Pagnotins ignorant même son existence. Les fées peuvent donc danser et chanter en toute tranquillité !

Rédigé par Manuel BAZAILLE

Historien, auteur lorrain, guide conférencier et photographe du patrimoine pour le Groupe BLE Lorraine.

Répondre

Quitter la version mobile