Située, par la tradition, quarante jours après le dimanche de Pâques, en incluant ce dernier, l’Ascension tombe, de fait, toujours un jeudi. Pâques étant une fête mobile, le jeudi de l’Ascension peut lui-même osciller entre le 30 avril et le 3 juin. En France, tout comme chez nos voisins Allemands, Belges et Luxembourgeois, ce jeudi est férié. En Lorraine, ce jour chômé est l’occasion de perpétuer plusieurs traditions, aussi anciennes que curieuses.
A Plombières-les-Bains par exemple, le jeudi de l’Ascension est marqué par la bénédiction des sources qui, depuis l’Antiquité, assurent la prospérité de la ville. Selon une coutume qui remonterait au XVIIIème siècle, le curé de Plombières préside, après la messe rituelle, une procession qui se rend à la Source de la Buvette, afin de bénir, avec quelques formules solennelles, cette eau providentielle, dont les vertus thérapeutiques sont connues de longue date. Jusqu’au milieu du XIXème siècle, la bénédiction des eaux thermales se faisait le dernier jour des Rogations, c’est-à-dire la veille de l’Ascension. Mais en 1851, l’Abbé Balland qui, à l’époque, était curé de Plombières, proposa de déplacer la cérémonie du mercredi au jeudi. Depuis, les Plombinois assistent, lors de chaque fête de l’Ascension, à cette procession curieuse et qui s’achève souvent par un concert de musique sacré.
Pouvant faire songer aux rites païens qu’organisaient les Celtes et les Gaulois, la bénédiction des eaux de Plombières serait, en fait, le prolongement d’une cérémonie militaire qui, jusqu’au milieu du XVIIIème siècle, réunissait les Plombinois autour du grand bain qui faisait toute la fierté de la ville. Chaque année, c’est donc autour de ce grand bassin que se retrouvaient, au soir du 30 avril, les habitants de la ville, le Prévôt d’Arches qui représentait le Duc de Lorraine, ainsi que le Lieutenant de Saint-Pierre qui lui, représentait le Chapitre Noble de Remiremont. La cérémonie, à l’époque, ressemblait moins à une bénédiction qu’à une lecture publique des ordonnances ducales relatives à l’usage et à l’entretien des bains. Elle marquait aussi le début de la saison des eaux qui, traditionnellement, s’ouvrait le 1er mai. Tombée en désuétude sous le règne de Stanislas, cette cérémonie, autrefois connue sous le nom de « Tour du Bain » fut donc remplacée par la bénédiction religieuse que l’on connaît aujourd’hui.
Un autre exemple permet d’illustrer la variété et la richesse des traditions qui, en Lorraine, continuent d’égayer la fête de l’Ascension. Depuis des lustres, le petit village de Mécrin, dans la Meuse, organise, chaque jeudi de l’Ascension, ou plus généralement le dimanche suivant, le fameux tir du papegai. C’est une cérémonie très ancienne, attestée dès 1525 à Commercy, mais pouvant trouver son origine au Moyen-âge et qui consiste à abattre d’une flèche d’arbalète, une planchette en bois à l’effigie d’un coq et que l’on connait, dans la région, sous le nom de papegai. C’est au maire de Mécrin que revenait l’honneur de tirer le premier avec l’arbalète. Venait ensuite le gagnant de l’année précédente, appelé « roi », puis tous les participants au tir, dans un ordre désigné par le hasard. Celui qui décroche l’oiseau gagne, outre le respect de ses concitoyens, le droit de figurer dans le journal du lendemain. Autrefois, le roi du papegai pouvait finir sa journée au café sans payer ses consommations ! A l’époque médiévale, le gagnant du jeu était exempté d’impôts pour un an. On imagine que les candidats au tir devaient se bousculer au portillon.