Entre 1584, date de l’exécution de la nommée Hillevix, et 1633, une quinzaine de femmes furent accusées de sorcellerie dans la Prévôté de Prény. Toutes connurent un sort funeste, à l’exception d’une habitante de Vilcey-sur-Trey, la guérisseuse Marguerite, dite la Charbonnière, qui, sentant le vent tourner, prit la fuite et ne fut jamais retrouvée. Afin de couvrir les frais de la procédure, ses biens furent confisqués le 13 mai 1600 et vendus aux enchères, un an plus tard, devant l’église de Vilcey. Le pic de la flambée de bûchers s’étala de l’an 1594 à l’an 1600, années correspondant à l’abbatiat du jeune Daniel Picard, élu à 27 ans à la tête de l’Abbaye des Prémontrés de Sainte-Marie-aux-Bois. Empoisonné, ce dernier trépassa dans d’atroces souffrances le 20 mai 1600.
L’année la plus meurtrière fut 1597, marquée par un hiver glacial et un été frais. Rien que dans le village de Prény, trois femmes furent exécutées cette année-là. Tout commença par l’arrestation de la femme du laboureur Jean Wathot. Jugée au mois d’avril 1597, Christaille, soumise à la question, c’est-à-dire la torture, avoua avoir participé à des sabbats sur la Côte de Pagny avec deux autres femmes de Prény, Babon, épouse du laboureur Wuillaume, et Bonne, épouse de Mengeot Bricholet. Faute avouée à moitié pardonnée, dit le dicton ! Une faveur fut donc accordée à Christaille. Le 8 mai 1597, après avoir été exposée à la vue du peuple, soumise au carcan la moitié d’un quart d’heure, elle fut conduite au bûcher, entre douze religieux Prémontrés, autant que les apôtres du Christ, tenant chacun une torche et formant une allée, six de chaque côté. Attachée au poteau dressé sur six stères de bois, elle fut étranglée à l’aide d’une corde, tirée par le maître des hautes œuvres, après avoir assez ressenti l’ardeur du feu.
Dans la deuxième moitié du mois de mai 1597, Babon, emprisonnée à la Tour des Moines du château de Prény pour sorcellerie, subit un interrogatoire à l’auditoire. Afin de lui délier la langue, les gens de Justice lui administrèrent la question. Là, horreur, elle avoua avoir été visitée par un être lui ayant donné de la graisse dans du papier. Celle-ci étant mortelle, elle la mélangea avec du lait qu’elle servit au grand Gillet, un individu qui avait débauché son mari et qu’elle avait pris en haine. L’homme étant trépassé, elle avait éprouvé une grande joie. Cet être dont la voix était semblable à quelqu’un qui parlerait dans un tonneau était-il le diable ? Babon affirma qu’il se nommait Maître Jolly et qu’il lui était réapparu un an après leur première rencontre. La retrouvant dans son grenier à foin, il l’avait embrassée et pris « habitation charnelle avec elle. » Mais il n’était pas comme un homme se défendit Babon ! Il n’avait fait « que frotter, trouiller ça et là, froid comme marbre. » Elle n’avait eu de relations sexuelles avec lui que cette seule fois. Mais, elle aussi, avoua avoir participé à des sabbats sur la Côte de Pagny. Au début du mois de juillet 1597, cette femme, convaincue de s’être abandonnée au diable, subissait le même sort que Christaille.
Le procès de Bonne, emprisonnée depuis le 3 mai 1597, se déroula en même temps que celui de Babon. Mais, dans son cas, il n’y eut besoin de nulle force ni contrainte pour la faire parler. Il est vrai que les gens de Justice lui rappelèrent que sa mère, Parotte, était morte par suffocation dans les prisons de Prény, où elle avait été détenue après avoir dérobé du linge à l’église et pour cas de sortilège. Elle aussi avoua avoir été visitée, alors qu’elle était malade et alitée, par un grand homme vêtu de noir disant se nommer Maître Robert à la main froide comme le marbre. Quatre mois plus tard, l’esprit malin était revenu et lui avait donné un cornet en lui faisant croire qu’il contenait de l’argent. Elle avait alors eu « habitation charnelle » avec lui. L’apparition s’étant évanouie, elle ouvrit le sachet. Il ne contenait que de la fiente de cheval. Et de même, elle avoua avoir participé à des sabbats sur la Côte de Pagny, sur celle d’Arry et au bord des ruisseaux de Beaume-Haie et du Rupt-de-Mad. Le 22 juin 1597, Barrois, substitut du Procureur Général de Lorraine, adjoint du terrible Nicolas Remy, Procureur Général de Lorraine, ordonnait l’exécution de cette femme séduite par le diable. Ce qui fut fait au début du mois de juillet 1597.
Le 12 mars 1599, la justice se mettait en marche contre Jeanne Colas, femme de Villers-sous-Prény, âgée d’environ 57 ans. Le Prévôt de Prény, Charles Le Bouteiller de Romigny, vînt en personne écouter la vingtaine de témoins accablant cette pauvresse dont le mari, le vigneron Claudin Bigenel, exploitait les vignes de la noble demoiselle de Barisey, propriétaire de la maison forte de Villers. Confrontations et interrogatoires se succédèrent jusqu’au 26 février 1600, jour où la guérisseuse de Villers fut soumise à la question. Niant d’abord tout en bloc, le durcissement de la torture la fit parler. Oui, elle avait rencontré, dix ans auparavant, dans la forêt, un homme tout vêtu de noir, très froid, se nommant Maître Percinet. Ayant accepté son argent, celui-ci l’avait prise, les deux êtres se livrant à une copulation charnelle. Il lui avait ensuite donné deux cornets. L’un contenait de la poudre jaune servant à rendre malade et à faire mourir, l’autre de la poudre noire pour faire guérir. Reprenant ses esprits, elle s’aperçut qu’elle avait été abusée et fit discrètement le signe de la croix. Aussitôt, Percinet s’était évanoui dans un grand bruit semblable au tonnerre. Dans le cornet devant contenir l’argent, il n’y avait que des feuilles de chêne. Elle avoua encore avoir participé à un sabbat dans un bois situé sur la Côte de Rembercourt. Le 4 avril 1600, le Lieutenant de la Justice de Prény se rendait à la prison du château pour demander à Jeanne Colas si elle persistait à maintenir ses déclarations. Lorsque le tourier ouvrit la porte de la cellule, Jeanne était étendue sur sa paillasse. La sorcière de Villers-sous-Prény était morte, échappant ainsi au bûcher.
Après une petite accalmie, une femme de Vandières, Elizabeth La Grise, épouse d’Anthoine Mareschal, était brûlée en 1613 à Prény. La dernière condamnée pour sorcellerie fut Françoise, épouse de Mangin Malgalé, habitant de Prény. Brûlée en 1633, ses vignes furent vendues aux enchères pour couvrir les frais de la procédure. La Lorraine était alors entraînée dans la meurtrière Guerre de Trente ans. Plus aucune exécution de sorcière ne fut répertoriée. Dans la mémoire collective, cet épisode entrait désormais dans le domaine de la légende, une Dame blanche se faisant parfois entendre lors de certaines nuits.