Le Droit Local alsacien et mosellan est un héritage de l’histoire. En 1870, la Prusse gagna en quelques semaines la guerre contre la France. Les préliminaires de paix signés à Versailles en février 1871, puis le Traité de Francfort du 10 mai 1871 consacrèrent l’Annexion, au profit de l’Empire d’Allemagne créé en janvier 1871, de l’Alsace, à l’exception de Belfort, de la Moselle et d’une partie de la Meurthe et des Vosges.
Le 11 novembre 1918, l’Alsace-Lorraine redevînt française, ce qui fut proclamé quelques mois plus tard par le Traité de Versailles du 28 juin 1919. Pendant 47 années d’annexion entre 1871 et 1918, l’Empire allemand a introduit progressivement ses lois tout en maintenant certaines règles anciennes du droit français. Dès lors, le pouvoir exécutif français se trouvait confronté à cet héritage législatif. Fallait-il abroger toutes ces dispositions et appliquer l’intégralité de la législation française en vigueur, comme cela avait été le cas pour la Savoie et Nice en 1861, ou fallait-il maintenir le Droit Local ? La seconde solution fut choisie pour deux motifs déterminants. Les premières raisons sont d’ordre technique : les lois locales avaient un siècle d’avance sur les codes napoléoniens et donc dans bien des domaines étaient supérieures au droit français (publicité foncière, échevinage des juridictions commerciales, faillite civile, etc.). Les secondes raisons sont d’ordre politique. Les Alsaciens et les Mosellans étaient très attachés aux lois sociales locales, qui avaient fait la preuve de leur efficacité, ainsi qu’aux lois en matière de cultes et d’enseignement. Dans ce dernier cas, il faut bien distinguer le régime des cultes et le statut scolaire. En ce domaine, l’Alsace et la Moselle sont soumises à un régime spécial, comme il en existe en Guyane ou dans d’autres pays européens. En effet, la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat ne s’applique pas.
L’attachement des populations au régime des cultes peut s’expliquer par le rôle particulier de l’Eglise qui sous l’Annexion avait été un rempart français, alors que les élites s’étaient exilées à Nancy et à Paris. En 1924, le régime concordataire a été menacé lorsque le Président du Conseil, Edouard Herriot envisagea d’introduire en Alsace et en Moselle l’ensemble de la législation française, mais la protestation fut telle que le projet fut abandonné. Le 29 janvier 1929, le Président Poincaré renouvelait solennellement « l’assurance que le statut des cultes dans les trois départements de l’Est ne saurait être modifié qu’avec le plein accord des populations ».
Le statut scolaire en Alsace et en Moselle est en partie lié au régime des cultes reconnus. La législation des cultes est constituée par l’ancienne loi du 18 germinal An X (Concordat de 1801 et Articles Organiques des cultes catholique et protestants) et de nombreux textes d’application, dont le décret de 1808 pour le culte israélite. Les cultes reconnus sont au nombre de quatre : le culte catholique, les deux cultes protestants (Eglise Protestante Réformée d’Alsace et de Lorraine, ainsi que l’Eglise Protestante de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine) et le culte israélite. Ils bénéficient d’un statut privilégié puisque leurs ministres du culte sont rémunérés par l’Etat et ont droit à une retraite. De même, les communes, en cas d’insuffisance de revenus des établissements publics du culte ont l’obligation d’entretenir les édifices du culte. Elles sont tenues également d’assurer le logement aux ministres du culte. En contrepartie, l’Etat français contrôle ces ministres du culte. Leur nomination est en effet soumise à l’accord des autorités civiles. Ceci correspond bien en fait à l’idée de Portalis, ministre du culte de Napoléon, selon laquelle le religieux fait partie de la sphère publique. Pour ce dernier, la religion est nécessaire pour une raison pratique : les institutions religieuses ne sont jamais indifférentes au bonheur public.
Le statut scolaire local est donc très marqué par la présence de la religion dans l’école publique et par extension dans l’école privée. Selon les divers degrés du système éducatif français, les modalités de l’enseignement religieux diffèrent.
1). L’enseignement de la religion dans les écoles primaires publiques.
C’est la loi du 15 mars 1850, dite Loi Falloux, modifiée par les autorités allemandes sous l’Annexion et complétée par les autorités françaises après le retour à la France, qui fixe les principes de base.
a). Les écoles maternelles publiques.
Elles sont en principe confessionnelles, c’est-à-dire fréquentées par des élèves appartenant à l’un des cultes reconnus (catholique, protestants, israélite), sous l’autorité d’un maître appartenant à la même confession. En pratique aujourd’hui, elles sont interconfessionnelles. Les directives ministérielles prévoient une activité « d’éveil religieux » animée par l’instituteur. Cette pratique est tombée en désuétude même si elle est toujours appliquée dans l’enseignement privé confessionnel.
b). Les écoles élémentaires publiques.
Elles sont également confessionnelles ou interconfessionnelles et l’enseignement religieux fait partie intégrante des programmes scolaires. Le décret modifié du 3 septembre 1974 précise que l’enseignement religieux est d’une heure par semaine et que cet enseignement peut être porté à deux heures à la demande des parents dans les cours élémentaires de deuxième année et les cours moyens (CE2, CM1 et CM2). Les conditions de dispense de l’enseignement religieux ont été simplifiées par les autorités rectorales et religieuses. La demande de dispense est remplacée par une inscription des élèves au moment de l’entrée en CP et vaut pour toute la durée de la scolarité dans l’école. Les demandes de dispense en cours de scolarité doivent être formulées avant la fin de l’année scolaire pour l’année suivante.
En dehors de l’horaire officiel, le prêtre, le pasteur ou le rabbin peut assurer une heure d’enseignement religieux dans les locaux scolaires en vertu du caractère confessionnel de l’école. Ces heures sont dénommées « heures de catéchisme » et ne sont pas rémunérées. L’élève dispensé du cours de religion est tenu en principe de suivre un enseignement de morale de durée équivalente. C’est le seul exemple de cours de substitution, mais là aussi, dans les faits, cette disposition n’est pas toujours appliquée. L’enseignement religieux est assuré soit par les personnels enseignants du premier degré, qui « se déclarent prêts » à le faire, soit par les ministres des cultes reconnus, soit par des personnes proposées par les autorités religieuses et nommées par la Direction Académique. Ces personnels sont suivis par des Conseillers pédagogiques-formateurs du premier degré nommés par l’Evêque et agréés par le Directeur Académique. A noter que le Droit Local permet que des professeurs des écoles ou que des directeurs d’école publique, appelés enseignants-congréganistes, soient des religieux.
2). L’enseignement de la religion dans les établissements secondaires publics.
L’ordonnance du 10 juillet 1873 et l’ordonnance du 16 novembre 1887 constituent toujours la base du système local même si elles ont été complétées et adaptées par plusieurs dispositions françaises.
L’enseignement secondaire public (collèges et lycées) est non confessionnel. Toutefois, les cours de religion font partie des programmes au même titre que les autres disciplines, y compris pour l’enseignement technique. La durée hebdomadaire de l’enseignement religieux est fixée à une ou deux heures par semaine selon les effectifs. Le contenu du programme est laissé à la discrétion des autorités religieuses concernées et agréé par le recteur. A l’inscription dans l’établissement, les parents choisissent ou non de faire suivre à leur enfant un enseignement religieux. Cet engagement est valable pour toute la durée du cycle et pour toute la durée de la scolarité dans le même établissement. Certains établissements demandent des inscriptions tous les ans alors que les démarches doivent être réalisées uniquement en début de Sixième et en début de Seconde. Les dispenses en cours de scolarité doivent être demandées, selon les instructions rectorales, avant la fin de l’année scolaire précédente.
L’enseignement religieux est donné par des personnels qui appartiennent à différentes catégories « d’agents publics », qui sont rétribués par l’Etat. La plupart des enseignants sont des professeurs titulaires certifiés. Les Ecoles Supérieures du Professorat et de l’Education, qui ont remplacé les IUFM (Instituts Universitaires de Formation des Maîtres), proposent aux futurs professeurs des écoles et aux professeurs d’enseignement religieux du second degré une option sur les aspects religieux de la culture. Au niveau du supérieur, l’Université de Strasbourg comporte deux unités originales, à savoir les facultés de théologie catholique et de théologie protestante. L’Université de Lorraine sur le site de Metz est quant à elle dotée d’un département de théologie qui fait partie de l’UFR (Unité de Formation et de Recherche) de Sciences Humaines et Arts. Ces institutions forment du point de vue théologique, les cadres ecclésiaux (ministres du culte, animateurs de la pastorale, professeurs de religion et autres personnes qui viennent pour leur intérêt propre) tout en mettant l’accent sur la pédagogie religieuse. Signalons l’existence de missions d’inspecteurs partagés entre des inspecteurs ecclésiastiques et des inspecteurs pédagogiques. Les premiers veillent à l’application du respect du statut scolaire d’Alsace et de Moselle et assurent un rôle déterminant dans le choix des enseignants en faisant les propositions de nomination et en délivrant la mission canonique indispensable pour enseigner la religion. Les seconds assurent le contrôle pédagogique des enseignants de religion du second degré.
L’enseignement de la religion dans les écoles publiques primaires et secondaires en Alsace et en Moselle est donc une matière obligatoire intégrée dans l’horaire hebdomadaire avec possibilité « de dispense » pour tenir compte de la liberté de conscience de chacun.
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