Riche de son histoire, le village de Prény, fondé sur les pentes d’un éperon rocheux, et son château, dont l’origine remonte au XIème siècle, à l’époque du Duc de Lorraine Gérard de Châtenois, dit d’Alsace, suscitent bien des mystères. Nous vous proposons de découvrir ci-dessous quatre légendes de Prény.
Le chasseur noir
L’une des plus anciennes concerne le chasseur noir ou chevalier de la haute chasse. Cette histoire fabuleuse fut rapportée en 1835 par l’érudit Emmanuel d’Huart. Laissons-lui la parole : « Lors donc que le Lorrain qui a marché sur l’herbe qui égare, se trouve vers minuit proche de la Tour de Belvoir, il est exposé à rencontrer la figure effrayante, gigantesque, du chasseur nocturne, habillé de noir, couvert d’un chapeau de l’ampleur d’un van, et qui n’est autre que le terrible sire Milon de Vandières, toujours de ronde sur les murailles solitaires, comme du temps de sa rude défense. C’est encore lui que, pendant les belles nuits d’automne, on entend partir de Prény à grand bruit d’hommes, de chevaux, de chiens et de cors, pour chasser à travers les airs et se rendre aux ruines de Condé, où se fait ordinairement la halte. Mais heureux, trois fois heureux le Lorrain convié qui n’a pas perdu l’usage du bénédicité ! »
Cette légende perpétuait le souvenir de Milon de Vandières, Prévôt et Capitaine de Prény, qui, en 1286, par sa belle résistance de la forteresse, fit échec à l’Evêque de Metz, Bouchard d’Avesnes, venu assiéger le château de Prény à la tête de 4 000 soldats et cent cavaliers.
La Dame blanche
Quelques siècles plus tard naquit la légende de la Dame blanche. Cette revenante était l’esprit d’une femme qui avait été brûlée pour sorcellerie et dont les cris lugubres et à glacer le sang déchiraient la quiétude de certaines nuits. Elle était encore évoquée, il n’y a pas si longtemps que cela, par des grands-mères du village, pour calmer leurs petits-enfants turbulents en les effrayant avec cette histoire de sorcière.
Intrigué par ce récit d’esprit tourmenté, j’entrepris, il y a de nombreuses années, des recherches dans les Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, afin de retrouver cette femme torturée et mise à mort de façon cruelle. Or, à ma grande stupeur, ce ne fut pas une que je retrouvasse, mais une quinzaine de paysannes, habitantes de villages de la Prévôté de Prény, brûlées entre 1580 et 1632. Cette histoire maléfique avait permis de conserver la mémoire de ces filles d’Eve, dont le calvaire et l’exécution publique avaient durablement marqué les esprits.
La légende de Ferret
Quelques années plus tard, alors que les Français avaient envahi la Lorraine – nous étions alors en pleine Guerre de Trente ans –, naquit la légende de Ferret.
En 1634, les soldats de Louis XIII, Roi très chrétien de France, faisaient descendre de la très haute Tour Mandeguerre, la cloche qui depuis des siècles avertissait les villageois des environs de l’approche d’une armée hostile. La tradition rapporte que les huit bœufs tirant le chariot, sur lequel était montée la sonnante Mandeguerre destinée à la fonte, s’arrêtèrent soudainement au pied d’une petite montée, l’état du chemin étant exécrable. La cloche plusieurs fois centenaire fut descendue de l’attelage et brisée à proximité d’une fontaine.
Puis, les différents morceaux furent chargés sur plusieurs voitures qui reprirent le chemin de la fonderie. Alors que le convoi disparaissait, des habitants découvrirent qu’un éclat était tombé dans le bassin de la fontaine. L’énorme cloche était si volumineuse que ce morceau suffit à lui seul à la fabrication de deux nouvelles cloches installées dans la tour Mandeguerre démantelée et reconvertie en simple clocher pour la chapelle castrale accueillant désormais les offices religieux. La brève présence de ce bout de métal rendit l’eau de la fontaine ferrugineuse. Ayant pris le nom de fontaine de Ferret, de nombreuses vertus furent attribuées à cette eau et d’ailleurs nous pouvons lire, gravée sur cette fontaine, l’inscription : IE TE SALVE ENSEIGNE DE MON SALUT. »
Les miracles de la pietà
Deux cents ans plus tard, nous retrouvons ce schéma de l’attelage refusant d’avancer. Cette fois-ci, il s’agit de la pietà du XVIème siècle se trouvant dans la chapelle du cimetière. En 1827, alors qu’elle était destinée à prendre place dans la nouvelle église bâtie à partir de 1824 au centre du village, la statue de Notre-Dame fut chargée sur un char attelé à des chevaux. Ces derniers refusèrent alors d’avancer et rien ne parvînt à les y forcer. Cela étant interprété comme une intervention divine, Notre-Dame-de-Pitié fut donc replacée sur son autel, continuant ainsi à veiller le repos des paroissiens de Prény.
Depuis très longtemps déjà, cette statue possédait la réputation de faire des miracles et surtout de guérir les enfants malades, mais aussi de vaincre la fièvre quarte, l’une des formes du paludisme. Ainsi, de nombreuses personnes venaient de très loin pour y prier la Sainte Vierge et plusieurs guérisons miraculeuses furent répertoriées entre 1825 et 1857.
Voici donc quelques légendes, qui n’ont rien à envier aux légendes urbaines dont certains réalisateurs sont friands pour la création de leurs films, parvenues jusqu’à nous à travers les siècles. Sans doute en a-t-il existé d’autres, perdues à jamais ou qu’un jour nous aurons le bonheur de redécouvrir en parcourant les vieilles liasses de papier se trouvant aux archives, si le hasard le permet ! Soyez-en sûr, chers lecteurs, nous reviendrons alors vers vous pour vous narrer ces récits fabuleux.
Dans les légendes, il existe toujours un fond de vérité.