La Crête des Eparges, située à une vingtaine de kilomètres de Verdun, porte à jamais les stigmates de la violente guerre des mines dont elle a été le théâtre de 1914 à 1915. Les vestiges de ces cratères artificiels donnent encore aujourd’hui le vertige.
L’armée allemande prit position sur cette crête de 1,4 kilomètre de long qui culmine à 346 mètres en septembre 1914. Son promontoire, baptisé « Point X » sur les cartes militaires, domine la Plaine de la Woëvre. Les Français s’acharnèrent à le récupérer à tout prix. Ils lancèrent ainsi une série d’offensives de février à avril 1915. Annonciateurs de la boucherie de Verdun en 1916, ces affrontements comptent parmi les plus durs de la Première Guerre mondiale. « Tu ne peux pas savoir ce que l’homme peut faire contre l’homme : voilà cinq jours que mes souliers sont gras de cervelles humaines, que j’écrase des thorax, que je rencontre des entrailles … », écrivit un soldat à son épouse.
Le 11 avril 1915, la victoire fut proclamée … des deux côtés ! Les Français avaient repris 80 % de la crête, mais pas le Point X. On dénombrait dans chaque camp une dizaine de milliers de tués et de disparus. Et quatre fois plus de blessés. La bataille devînt ensuite souterraine au cours des trois ans qui suivirent. Des galeries furent creusées jusque sous les positions adverses, où furent placés des explosifs. D’où les cratères. Cette guerre des mines est aujourd’hui symbolisée par le monument du Génie et ses sept colonnes dressées vers le ciel, comme autant de composantes de cette arme : pontonniers, télégraphistes, électromécaniciens, sapeurs mineurs, chemins de fer, aérostiers et artificiers. Le sentier, qui courre de part et d’autre de la crête, suit le chemin qu’empruntaient les soldats pour monter à l’assaut de celle qu’ils surnommaient la montagne de boue. Le parcours commence au Nécropole nationale militaire du Trottoir, classée au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Sur les près de 3 000 croix, seule la 42ème de la première tranchée peut être ornée de fleurs naturelles. C’est celle de Robert Pochon, frère d’armes et ami de Maurice Genevoix. L’auteur de Ceux de 14 vînt chaque année jusqu’à sa mort la fleurir. La tradition lui a survécu. Le régiment de l’écrivain marqué à vie par les combats, à savoir le 106ème d’Infanterie, fut d’ailleurs le premier à être engagé. Un buste en bronze de Genevoix a été inauguré il y a quelques années mois devant la mairie des Eparges. Il y est représenté dans son costume de soldat, tenant un livre et un stylo.
La traversée des vignes et des vergers du Domaine de Muzy constitue une véritable parenthèse enchantée dans l’atmosphère lourde et pesante de la Crête des Eparges. L’exploitation créée en 1982 à flanc de coteaux produit une cuvée du Centenaire en hommage aux soldats.
Source : RL du 22/07/2015