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Fête de la Mi-Carême en Lorraine

mi-Carême

Jeûner et faire maigre pendant quarante jours ! Pensez donc, c’est presque inhumain … Telles devaient être, à peu près, les pensées de nos ancêtres qui, dès le Moyen-âge, avaient institué la fête de la Mi-Carême. Car comme son nom l’indique, cette fête permet aux Chrétiens pratiquants de savoir qu’ils viennent d’atteindre la moitié de leur grand jeûne. Ce dernier durant quarante jours, la Mi-Carême se tient donc une vingtaine de jours après le Mercredi des Cendres et une vingtaine de nuits avant la fête de Pâques.

La pratique de faire une pause en plein Carême remonterait à l’époque médiévale. Elle était alors une ultime réminiscence de Carnaval et permettait de se costumer et de festoyer une dernière fois dans l’année car, jusqu’au XVIème siècle, l’année s’achevait bien à Pâques ou à l’Annonciation. Quelques historiens et sociologues ont cru pouvoir démontrer que la fête de la Mi-Carême serait née d’un affaiblissement de la foi et des pratiques religieuses. En effet, il semblerait que jadis, les hommes avaient coutume de donner un bal le jour du Mardi Gras. Bal auquel les jeunes filles avaient coutume de se rendre, avant de retourner la pareille le troisième jeudi de Carême. C’est-à-dire au milieu de la période de jeûne. L’usage, s’il paraît s’être pratiqué dans plusieurs provinces de France sous l’Ancien Régime, semble toutefois avoir été méconnu, pour ne pas dire ignoré des Lorrains. Pour autant, la Mi-Carême marquait bien le calendrier régional, comme en témoigne cet extrait de Dom Calmet, qui recopie lui-même Champier et Edmond du Boulay :

« Le Duc Antoine, animé du désir d’acquérir de la gloire, demeura peu de temps en Lorraine. Il en parti dès la Mi-Carême, c’est-à-dire le 8 mars 1509, accompagné de 40 gentilshommes […] ».

Au XIXème siècle, la tradition de la Mi-Carême et de ses déguisements est clairement attestée dans l’Est de la France. Il suffit de songer au début du très émouvant chant de la Strasbourgeoise, composé au lendemain de la défaite de 1870, pour en avoir une illustration probante. La chanson commence par ces mots :

« Petit papa, voici la Mi-Carême, car te voilà déguisé en soldat !

Petit papa, dis-moi si c’est pour rire, où pour faire peur aux tout petits enfants.

Non mon enfant, je pars pour la patrie. C’est un devoir où tous les papas s’en vont.

Ne pleure pas, petite fille chérie, je rentrerai bien vite à la maison. »

Raphaël de Westphalen nous rapporte quant à lui que les enfants de Fontoy avaient coutume de s’assembler autour des fontaines de la ville le jour de la Mi-Carême et d’y partager un petit goûter. Mais la coutume paraît s’être perdue dès la fin du XIXème siècle. Le même auteur ajoute, deux lignes plus-bas, une très curieuse croyance que les Lorrains de jadis associaient à cette fête. Ces derniers pensaient que le fait de manger du hareng le jour de la Mi-Carême s’exposait à des piqûres de moustiques tout au long de l’année. Drôle de superstition qui, on l’a bien compris, visait avant tout à inciter chacun à ne pas faire maigre ce jour-là !

Mais il semblerait que ce soit surtout pendant l’entre-deux guerres que la fête ait connu, dans notre région, son véritable apogée. Plusieurs cartes postales et clichés de l’époque nous montrent des groupes costumés et des défilés de chars, à Metz et à Nancy, avec la légende « cavalcade de la Mi-Carême, 1922 » ou « défilé de la Mi-Carême 1936 ». La tradition disparaît très vite, dès les lendemains de la Seconde Guerre mondiale et il faut bien dire qu’aujourd’hui, plus personne en Lorraine, ne fête la Mi-Carême. Les mauvaises langues diront que, de toutes façons, plus personne ne faisant le jeûne du Carême, il serait bien étonnant d’en voir fêter l’arrivée à la mi-temps.

Toujours est-il qu’à Paris, la Mi-Carême, disparue à la fin des années 1940, a curieusement été ressuscitée en 2009, à l’initiative d’une association féminine qui en a d’ailleurs fait un carnaval des femmes. Aux Antilles et chez nos cousins du Québec, la Mi-Carême continue d’être fêtée avec ferveur et bonne humeur. Alors, si eux le font, pourquoi pas nous ?

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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