Sous les pavées des rues de Metz dorment des souterrains, des caves privées et des salles voûtées qui témoignent du très riche passé d’une cité née il y a près de 3 000 ans. Malheureusement, ce patrimoine reste encore peu ou pas accessible au grand public. Nous vous proposons ici de découvrir quelques vestiges gallo-romains cachés.
Vers l’an 1, les Médiomatriques constituait une grande tribu dont l’oppidum, lieu fortifié sur un point élevé, était situé au niveau du Col de Saverne. Mais quand ce territoire fut conquis par les Triboques, les Médiomatriques furent contraint de l’abandonner pour se retirer dans les environs de Metz, antique cité qui porta par la suite le nom de Divodurum Mediomatricorum, qui signifie « cité des dieux des Médiomatriques ». La ville devint alors l’une des plus importantes cités gallo-romaines. Son amphithéâtre faisait ainsi plus de 120 mètres de long et pouvait accueillir 25 000 spectateurs. C’était le plus grand de toute la Gaulle.
Un petit amphithéâtre, ou une salle de spectacles, a également été construit sous l’actuelle Rue Sainte-Marie. Ses murs sont encore visibles dans des caves privées. La cité disposait en outre d’un forum et d’au moins trois thermes publics, qui n’ont peut-être pas tous fonctionné en même temps. Deux ont laissé des vestiges en sous-sol : les thermes du Nord sous l’actuel Musée de la Cour d’Or et les thermes En Nexirue. Des grands thermes, sous le Centre Saint-Jacques, il ne reste malheureusement plus rien.
Ainsi, à trois mètres sous le sol, dans la cave des sœurs Wiltzer, deux hypocaustes, nom donné au système de chauffage par le sol utilisé à l’époque gallo-romaine, constituent les restes des thermes situées entre la Rue des Clercs et la Nexirue. Ceux-ci présentent de petits piliers de briques carrées et des pilettes rondes. Le praefunium ou foyer a été mis en valeur par un ancien propriétaire, tout comme les dalles qui reposaient sur les pilettes (suspensura) qui étaient recouvertes de plaques de marbre blanc. Des objets datant du Ier ou du IIème siècle ont également été retrouvés. Les hypocaustes de ces deux chambres voûtées témoignent de l’existence d’un grand bâtiment public situé certainement au-dessus des thermes. De ce fait, des vestiges de murs gallo-romains provenant de ce grand édifice sont encore visibles. Le mur du fond du magasin Carrefour City fait partie de cet ensemble qui devait mesurer cent mètres de long et 70 mètres de large.
De nombreux autres hypocaustes de l’époque gallo-romaine ont été découverts à Metz. Outre celui qui est exposé au Musée de la Cour d’Or, un autre a été exhumé sous l’Arsenal. Il devait servir à chauffer une villa privée. D’autres systèmes de chauffage du même type, qui correspondaient à des constructions d’habitations très riches, ont de même été retrouvés Rue aux Ours. En 2007, c’est tout un quartier gallo-romain qui avait été mis au jour à l’emplacement du parking souterrain de l’Amphithéâtre. De tous ces hypocaustes, seuls les exemplaires du Musée de la Cour d’Or et de la cave privé d’En Nexirue sont encore visibles.
Toujours au Musée de la Cour d’Or, les visiteurs peuvent arpenter un bout de la galerie souterraine qui appartenait aux thermes du Nord. Il s’agit d’un conduit qui servait à évacuer l’eau des bassins. Ces derniers étaient approvisionnés en eau depuis Gorze, grâce à l’aqueduc, dont on voit encore la partie aérienne à Jouy-aux-Arches et à Ars-sur-Moselle. L’eau circulait dans la partie basse du couloir, dont la rigole est recouverte de Terrazzo, sorte de ciment qui était mélangé à de la brique pillée. Les personnes chargées de l’entretien du conduit passaient sur des parties surélevées de chaque côté de la rigole. Le conduit visible par le public mesure vingt mètres de long. On ne connaît néanmoins pas les dimensions de toute la partie remblayée. La maçonnerie date de 180 avant Jésus-Christ, ce qui en fait le plus ancien passage souterrain de Metz. Dans le caveau des Trinitaires, le public peut aussi remarquer de gros bouts de murs gallo-romains qui correspondent à un mur d’une piscine des thermes du Nord.
Comme évoqué plus haut, il y avait en réalité deux amphithéâtres à Metz. Le plus grand a donné son nom au Quartier de l’Amphithéâtre. Des vestiges de celui-ci dorment encore sous le carrefour et le parvis du Centre Pompidou-Metz. Il est vraiment regrettable que ceux-ci n’aient pas été mis en valeur et dégagés. Des restes d’une seconde enceinte, plus petite, ont été retrouvés au siècle dernier. Ses limites sont représentées aujourd’hui par le Quai Paul Vautrin, la Place de Chambre, la Rue du Faisan et la Rue Sainte-Marie, soit une ellipse de 75 mètres sur 45 mètres. Dans la cave de la résidence de la Rue Sainte-Marie, le bailleur Vivest a mis en valeur une partie des murs gallo-romains de l’édifice. Cette belle pièce souterraine lui sert désormais de salle de réunions. On sait peu de choses sur l’édifice. Juste qu’il date du IVème siècle après Jésus-Christ, après que Metz ait été entouré de remparts. D’autres spécialistes situent cela dit sa construction au IIème siècle après Jésus-Christ. De taille modeste, le bâtiment révèle des murs concentriques qui devaient accueillir des gradins. Ceux-ci auraient été construits côté fleuve, face à la colline, ce qui est inhabituel. Certains pensent que c’était peut-être un petit théâtre pour la parole et non un amphithéâtre pour les jeux du cirque. Le mur gallo-romain se poursuit dans d’autres caves privées. On devine aussi son existence en observant les façades des maisons qui présentent un retrait sur le quai et dans la Rue Saint-Louis. Cette anomalie est due à la présence de murs antiques qui ont servi de fondation aux constructions modernes.
Par ailleurs, un cryptoportique, c’est-à-dire un portique enfoui sous la terre ou qui fait partie d’un ensemble architectural, « cruptos » voulant dire caché en grec, est dissimulé sous les bureaux de l’Evêché de Metz, au bout de la Rue Dupont-des-Loges. Datant du IIème siècle après Jésus-Christ, aux environs de l’époque de Trajan ou d’Hadrien, il servait à la circulation des hommes et des bêtes, ainsi qu’au stockage des marchandises. Il se compose de deux galeries, à savoir la grande salle gallo-romaine et la petite salle médiévale. La première mesure 41 mètres de long et six mètres de large. Elle comporte des voûtes, des arcs de décrochage, des murets et des margelles. Mais les spécialistes ne savent pas exactement à quoi servait l’endroit. Sur l’appareillage gallo-romain formé par des couches régulières de pierres et de briques rouges, on distingue une voûte médiévale. En effet, en 604, Glossinde avait fondé ici un couvent. Cinq siècles plus tard, durant le siège de Charles Quint, le couvent a été en partie enseveli sous des fortifications. De nos jours, le bâtiment actuel de l’Evêché fragilise le cryptoportique. Dans les bureaux, il y a un mur porteur qui est décentré par rapport à la voûte. Il s’est formé une grande fissure dans la voûte qui s’agrandit malheureusement d’année en année. L’endroit a été exploré par les Allemands à la fin du XIXème siècle et a même servi pendant les bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Il faut dire qu’une photographie aérienne a révélé les traces d’un escalier sous la pelouse de l’Evêché donnant accès au cryptoportique. Une canalisation gallo-romaine permet également d’accéder à la cave.
A noter enfin qu’il existe un autre exemple de cryptoportique gallo-romain encore visible au pied de la cathédrale Saint-Etienne. Il y reste une salle de 41 mètres de long et de six mètres de large, comme celle située sous l’Evêché, ainsi qu’une autre d’une largeur de 3,30 mètres.