Haut lieu de l’histoire lorraine, le château de Prény fut bâti à la pointe d’un éperon rocheux aboutissant à un escarpement très abrupt, dominant la Vallée de la Moselle de ses 365 mètres de haut, entre deux ravins très profonds. Le site était d’une importance stratégique de premier ordre puisqu’il permettait de surveiller, du haut de ses tours, le trafic commercial et les mouvements des voyageurs de toute sorte empruntant cette autoroute qu’était alors la Moselle entre l’antique Scarpone, à laquelle avait succédé Dieulouard, défendu par son château dépendant des Evêques de Verdun, et la puissante ville de Metz, ancienne capitale du peuple belge des Médiomatriques, puis du royaume franc d’Austrasie.
Cette position stratégique se confirma dès le début du XIème siècle puisque Prény se retrouva à la pointe d’un coin du Duché de Lorraine avançant entre les terres relevant de l’abbaye bénédictine de Gorze et le Comté de Mousson qui dépendait des Comtes puis Ducs de Bar, sans oublier le territoire des belliqueux Evêques de Metz, puis de la République messine. Véritable rempart du Duché de Lorraine, Prény devint même à l’époque féodale, sous sa forme d’alors, « Priny », le cri de guerre de l’armée lorraine. D’ailleurs, les Ducs de Lorraine, qui en firent leur résidence principale aux XIIème et XIIIème siècles, firent inscrire sur leur casque ce cri de ralliement.
Le fracas des armes se fit par conséquent souvent entendre sous ses épais murs. Le premier siège dont l’histoire a gardé la mémoire dura plusieurs semaines en 1139. Il fut mené par l’Evêque de Metz, Etienne de Bar, soucieux de reconstituer le temporel de son diocèse. En 1207, des aventuriers à la solde du Comte de Bar pénétrèrent par ruse dans l’enceinte de la forteresse et y mirent le feu. Le Duc de Lorraine ordonna alors la reconstruction de son château en l’agrandissant de manière formidable.
Désormais, les fortifications couvraient une surface de 2,60 hectares, mesurant sans les fossés, 170 mètres du Nord au Sud et 185 mètres d’Ouest en Est. Avec les fossés, cette redoutable citadelle couvrait une superficie de quatre hectares. Le château primitif, qui forme aujourd’hui la partie la mieux conservée, est dominé par sa grosse tour de près de 70 mètres de haut à laquelle fut donné à l’époque moderne le nom de Tour Mandeguerre, en référence à la cloche qui, de son sommet, avertissait les paysans des villages dépendants de l’arrivée d’une armée hostile. Ce château primitif jouait le rôle de donjon, ses deux portes étant fermées à clefs en temps de paix. A ses pieds, protégés par des courtines dont la hauteur variait de sept à neuf mètres, ainsi que par des tours encore plus hautes, s’étendaient les maisons d’habitation, les dépendances et la chapelle castrale. Sous le château s’était développé le vieux bourg, fermé la nuit par des portes se trouvant à chacune de ses extrémités. Avec ses 19 tours, le château de Prény fut qualifié de chef d’œuvre de l’architecture militaire médiévale.
Parmi les combats les plus mémorables, nous pouvons citer la bataille de Prény qui dura trois jours, du 14 au 17 septembre 1266. Elle vit s’affronter Lorrains et Luxembourgeois contre Messins et Barisiens. Sans oublier le long et terrible siège imposé en 1286 par l’Evêque de Metz. Bien des parties du château furent endommagées, dont la Tour des Moines, reconstruite et renforcée à la fin du XIIIème siècle. La formidable résistance menée par le prévôt et capitaine de Prény, Milon de Vandières, en fit un personnage de légende, très redouté par les paysans locaux. En effet, certains affirment que l’on peut encore le croiser avec ses gens et sa meute de chiens de chasse, lors de certaines nuits d’hiver. Cette belle défense glorifia le nom de Prény qui devint, dès lors, l’apanage des fils aînés des Ducs de Lorraine.
Lors des guerres bourguignonnes, Prény confirma sa réputation d’invincibilité. Le 23 septembre 1475, Charles de Bourgogne envahissait la Lorraine. Face à son armée, les forteresses lorraines se rendirent les unes après les autres au début du mois de décembre. Toutes, sauf une, Prény, défendue par son capitaine Gratien de Aguerra, qui tint bon jusqu’au 27 décembre 1475, date à laquelle les Bourguignons levèrent le siège. Prény fut alors fortement réarmé et renforcé d’une puissante garnison. Quand, venant du Luxembourg à la tête de 40 000 hommes en suivant le cours de la Moselle pour se rendre à Nancy, où il devrait être vaincu et tué le 5 janvier 1477, Charles le Téméraire se garda bien d’attaquer le château de Prény, dont les artilleurs saluèrent son passage d’une volée de boulets de canon.
Après un siècle et demi de paix, la Guerre de Trente ans, qui avait débutée en 1618 à Prague et en 1632 en Lorraine, sonna le glas de la forteresse de Prény, démantelée en 1637 sur l’ordre de Richelieu, l’éminence grise du roi très chrétien de France Louis XIII. Mais, si celle-ci avait vu ses tours et ses murs réduits de hauteur, elle n’était pas encore détruite. Le château de Prény, désormais traité comme une vulgaire carrière, souffrit jusqu’au XIXème siècle des prélèvements de pierres utilisées pour la construction de maisons ou encore de la nouvelle église bâtie à partir de 1824 au milieu du village. Mais, vendue comme Bien national en 1797, la fière forteresse des Ducs de Lorraine n’avait pas encore prononcé son dernier mot.
Occupé dès le 5 septembre 1914 par les Allemands, le château de Prény, avec ses réseaux de souterrains, fut intégré au cours de travaux menés les années suivantes à la Ligne Michel doublant sur ses arrières la Ligne Hindenburg. A partir du 25 septembre 1918, toutes les attaques américaines vinrent se briser sur la crête de Prény, combats qu’ont immortalisés des historiens américains sous le nom « Battle of Preny ridge ». Le 10 novembre, veille de la signature de l’armistice, il y eut encore des morts.
Depuis longtemps, Prény et son château ont retrouvé leur quiétude, loin du cliquetis des armes et des explosions de canons. Toutefois, certaines nuits, nous pouvons encore entendre les cris glaçants de l’une des quelques pauvresses brûlées comme sorcières à la fin du XVIème siècle et au début du XVIIème siècle. La Dame blanche, elle, n’a pas trouvé la paix et continue à hanter les ruines du château, errant et réclamant justice !