Méconnue, pour ne pas dire oubliée de la plupart des Lorrains, la date du 5 janvier commémore pourtant l’un des événements les plus importants de l’histoire régionale. C’est en effet le dimanche 5 janvier 1477 que le Duc de Lorraine René II a vaincu Charles le Téméraire, Duc de Bourgogne, dont les ambitions démesurées visaient à envahir la Lorraine, afin de créer un Etat qui se serait étendu des Alpes à la Mer du Nord.
Aidé par la vieille noblesse lorraine ainsi que par des troupes venues de Suisse et d’Alsace, le jeune duc, il n’avait alors que vingt-six ans, parvient donc à battre cet ennemi redoutable et à reprendre l’ascendant sur ses Etats, que deux longues années de guerre avaient largement malmenés. Le combat, qui se déroule toute la journée sur un sol gelé, se solde par la mort du Duc de Bourgogne. Ce dernier aurait effectivement été tué sur un malentendu, par un chevalier lorrain du nom de Claude de Bauzemont. Une issue fatale, qui bouleversera l’échiquier géopolitique européen et à laquelle René II donnera des suites originales. Car se faisant voler en quelque sorte la victoire par l’intriguant Louis XI, le Duc de Lorraine ne peut guère qu’exploiter les aspects mémoriaux et propagandistes de la bataille qu’il vient de gagner. Ainsi, René II va surtout s’attacher à immortaliser dans la pierre, à travers plusieurs monuments, et sur le parchemin l’exploit dont il est le héros.
Car c’est bien dans le but de glorifier le jeune prince de Lorraine qu’a été rédigée la Nancéide. Ce long poème, dû à la plume du chanoine de Saint-Dié Pierre de Blarru, narre en latin et en 5 000 vers un peu pompeux la longue guerre que René II fit à Charles le Téméraire. Imprimé pour la première fois en 1518, le texte connaîtra un succès relatif. Il doit en tout cas être regardé comme un monument de la littérature lorraine et une source inestimable pour l’historien. Car le poème, en plus de fournir des noms et une chronologie assez précise des événements, prouve que la Bataille de Nancy aura surtout vu naître un sentiment national lorrain tout en consacrant le chardon et la croix à double traverse comme emblèmes ducaux. Parallèlement à la rédaction de la Nancéide, le Duc de Lorraine, qui reste convaincu qu’il doit sa victoire de 1477 à l’intercession de la Vierge et du Saint évêque de Myre, fait reconstruire la basilique de Saint-Nicolas-de-Port.
Dès les lendemains de la Bataille de Nancy, le Duc de Lorraine fait également édifier sur le champ de bataille la chapelle Notre-Dame de Bonsecours. Véritable nécropole destinée à recevoir les ossements des Bourguignons laissés sur le carreau, l’église sera démolie puis reconstruite au XVIIIème siècle, sur les ordres de Stanislas Leszczynski. Le corps du Téméraire, retrouvé au lendemain de la bataille, est quant à lui veillé dans une maison de la Grand-Rue avant d’être enseveli à la collégiale Saint-Georges qui jouxte, à l’époque, le Palais ducal. La dépouille du bourguignon sera transférée à Bruges dans le courant du XVIème siècle, sur la demande pressante de l’Empereur Charles Quint. Demande que sa nièce, la Duchesse Christine de Danemark, ne saura refuser.
Enfin, à l’endroit même où fut retrouvé le corps de Charles le Téméraire, c’est-à-dire à l’extrémité occidentale de l’Etang Saint-Jean, le Duc René fait ériger un autre monument que chacun appellera désormais la Croix de Bourgogne. Lui aussi remanié au fil des siècles, ce mémorial, qui est peut-être l’un des plus anciens de France, continue de servir de lieu de rassemblement.