Il arrive encore que l’on entende, en décembre, ce vieux proverbe populaire qui dit qu’à compter de la Sainte-Luce, les jours croissent du saut d’une puce. Proverbe un tantinet naïf, qui voudrait annoncer la fin des journées courtes et le retour de la belle saison, mais que les scientifiques dénigrent facilement. Ces derniers en effet nous ont prouvé par A plus B que les jours ne commencent véritablement à rallonger qu’à compter du solstice d’hiver, c’est-à-dire à partir du 21 décembre. Mais si l’on se souvient que, lors du passage du calendrier julien au calendrier grégorien, on a choisi d’avancer nos horloges d’une dizaine de jours, on comprend que le dicton peut avoir fait sens, au Moyen-âge tout du moins. Avant que le Duc de Lorraine ne se décidât à faire appliquer cette réforme en passant directement, en 1582, du 10 au 20 décembre, la Sainte-Lucie avait forcément lieu aux alentours du solstice. Donc à une époque où les jours, effectivement, commençaient à croître du saut d’une puce.
Mais à ces considérations cartésiennes, il faut ajouter un autre élément, susceptible d’expliquer le lien, très symbolique, qui existe entre Sainte Luce, plus communément appelée « Lucie » d’ailleurs, et le retour de la lumière. Les latinistes le savent. Le prénom Lucie vient du mot lux qui, dans la langue de César, signifie « lumière ». Lucie serait donc la « lumineuse », la « clairvoyante », voire « celle qui porte la lumière ». Voilà qui devient intéressant. Sainte Lucie, par son nom, serait déjà tout un symbole. Sa fête, placée au moment où les jours sont censés rallonger, est donc une sorte de repère dans l’année. Un moment symbolique qui se doit par ailleurs d’être mis en relation avec la vie de cette sainte. Martyrisée en Sicile au début du IVème siècle, Lucie aurait eu les yeux crevés. Ce qui fera d’elle la patronne des ophtalmologistes et autres professions en rapport avec les yeux.
De Sicile, son culte s’est progressivement étendu à l’ensemble de l’Europe. La Lorraine, évidemment, n’y a pas échappé. Au début du XIème siècle, les reliques de la vierge martyre auraient été transférées à l’abbaye de Saint-Vincent à Metz, ainsi qu’à la cure de Vallières, toute proche. Ce transfert qui, d’après le chroniqueur Sigebert de Gembloux, serait dû à l’évêque de Metz Thierry, donna naissance à un pèlerinage particulièrement vivace. L’historien messin Pierre-Edouard Wagner estime que les reliques de Sainte Lucie conservées à Metz attiraient des fidèles venus de toute l’ancienne Lotharingie. Autant de fidèles donc qui, comme les papillons de nuit, recherchaient la lumière et le pardon de leurs fautes.
A noter enfin que depuis la désacralisation de la basilique Saint-Vincent, les reliques de Sainte Lucie ont été transférées en l’abbaye Saint-Clément à Metz.