Etant moi-même un enfant qui vivait et jouait avec insouciance au lieu-dit le Vingartsberg, je ne me suis jamais posé la question de savoir d’où provenait le nom de ce lieu-dit. Et, ce n’est que par hasard que j’ai découvert récemment l’histoire de ce lieu-dit qui a donné naissance au sobriquet des habitants de Berviller que les jeunes de moins de quatre-vingts ans ne peuvent plus connaître.
En effet, il y a bien longtemps de cela, alors que l’informel était encore permis et que les gentilés de Berviller en Moselle étaient dans l’obligation de travailler pour survivre, on cultivait tout ce qui pouvait permettre de se remplir le ventre, tant qu’il était permis de le faire. Bien sûr on cultivait les patates, des carottes et du chou, entre autres, et chaque foyer avait en plus de son jardinet, près de la maison, un ou plusieurs champs, afin de pouvoir engranger de quoi se nourrir pendant les longs mois d’hiver de l’Est lorrain.
Mais, manger sans boire n’est pas vraiment idéal pour mettre quelques étoiles dans les plats aussi copieux soient-ils. Donc, certaines personnes du village eurent l’idée de planter des vignes sur le Vingartsberg. Autrement dit, ils cultivaient le Wein (vin) dans le Garten (jardin) qui était situé sur le Berg (colline, mont). Et naturellement à cette époque lointaine, on ne mettait pas de sulfite dans le vin pour qu’il puisse se conserver. C’est pourquoi ce vin du Vingartsberg se transformait très vite en vinaigre. Mais on ne va pas jeter pour autant ce breuvage, même s’il n’est plus permis de s’enivrer avec. Par conséquent, ces vignerons du Vingartsberg ont eu l’idée d’aller vendre leur vin aigre transformé en vinaigre dans les villages environnants car à cette époque lointaine il n’y avait pas encore d’épiceries dans les villages et les producteurs vendaient ou échangeaient leurs produits contre d’autres denrées. Il faut savoir qu’alors, peu de gens possédaient un nom de famille et souvent on leur attribuait le nom du lieu où ils vivaient, ou encore on leur collait un nom suivant le métier qu’ils exerçaient. Et pour appuyer ma thèse en ce qui concerne les gens qui vendaient leur vinaigre on les appelait simplement les Essiglècher (trous à vinaigre) car ils allaient certainement vendre leur vinaigre en se hâtant de boire comme des trous le vin qui n’avait pas encore tourné en vinaigre. Ce sobriquet a donc été donné à tous les habitants de Berviller.
Pour certaines personnes, le nom de Weingart ou de Vingert s’est répandu surtout dans l’Est de l’Hexagone, ainsi que dans le Saarland voisin. Mais comme toute histoire a une fin, la maladie de la vigne s’est répandue sur les vignes du Vingartsberg et ce fut la fin des vignes du Vingartsberg. Mais le sobriquet est resté accroché aux habitants du village, même si de nos jours peu de personnes savent qu’il fut un temps où on savait vivre sans les aides de l’Etat français.
J’aime bien cet article qui fait référence à ces objets de culture linguistique que sont les “lieux-dits” et autres toponymes. Une petite remarque incidente : “Wein” c’est bien sûr le “vin” (le “vin” en langue de Berviller) mais c’est aussi la “vigne” dans la vieille langue, souvent écrit “win”. Ainsi le “vingart” me semble bien désigner exactement le “vignoble”. Aussi le “vingartsberg” pourrait se traduire exactement par “le mont du vignoble” et, en français des temps ancien où le complément de nom s’exprimait par le seul article (ex Bourg-(de) La-Reine, Villeneuve-(de)-l’Archevêque etc.), par Mont-le-Vignoble. Ça vous dit quelque chose ? Sinon, allez jeter un coup d’œil sur les côtes de Toul.