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Les grandes vacances en Lorraine

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Critiquées par les uns et défendues ardemment par les autres, les grandes vacances sont pourtant le fruit d’une longue tradition. D’une très longue tradition même puisque le fait d’accorder une pause estivale aux jeunes écoliers daterait de l’an … 1231 !

Cette année-là, le pape Grégoire II accorde officiellement des vacances aux étudiants, afin que ces derniers puissent aider leurs parents aux travaux agricoles. Ces vacances, qui ne devaient pas dépasser la durée d’un mois, portaient alors le nom bien significatif de « vendanges ». Mais à ce mois de vacances s’ajoutaient d’autres jours de repos, généralement en lien avec les grandes fêtes religieuses du calendrier. Sous l’Ancien Régime, un écolier disposait d’environ quatre-vingts jours de congés par an, en plus des dimanches. La période révolutionnaire et plus encore l’Empire, vont uniformiser les rythmes scolaires sur l’ensemble du territoire français. Ainsi, au début du XIXème siècle, les écoliers ne disposaient que de sept semaines de congés par an. Les vacances débutant alors le 5 août et s’achevant autour du 20 septembre. Elles étaient censées permettre aux jeunes gens de participer à la moisson ainsi qu’aux vendanges. Dans les départements viticoles, et la Lorraine était, rappelons-le, une terre de vignoble, certaines dérogations pouvaient être accordées au cas où la vendange ne seraient pas achevée au 20 septembre.

Le Second Empire élargit les grandes vacances. Pierre Gaxotte, dans son ouvrage intitulé Mon village et moi, se souvient que dans son enfance, c’est-à-dire à la toute fin du XIXème siècle, ces dernières duraient déjà deux mois :

« L’Ecole primaire fermait ses portes le 31 juillet et les rouvrait le 1er octobre. Les vacances duraient deux mois. Pas un jour de plus. « C’est bien assez, bougonnaient les mères. Les instituteurs ont de la chance. Ils se la coulent douce, pendant que nous surveillons leurs garnements. Une bande de petits Ostrogoths … Comme si nous n’avions que cela à faire … ». Joli témoignage d’un Lorrain qui, s’il brocarde avec sympathie le corps enseignant, n’en deviendra pas moins professeur d’histoire.

La IIIème République uniformise les grandes vacances dans les premier et second degrés. A compter de 1939, tous les écoliers de la primaire au lycée sont en vacances le 15 juillet et reprennent les cours le 30 septembre. Une manière, en somme, de répondre aux attentes de la population paysanne qui représente encore, à l’époque, un peu moins d’un Français sur deux.

Mais à partir des années 1950, l’essor économique qu’accompagnent les Trente Glorieuses bouleverse considérablement la société. La mécanisation générale du travail agricole fait que la main d’œuvre devient peu à peu inutile. Et les congés payés, couplés à la démocratisation de l’automobile incitent de plus en plus de familles à partir en vacances.

Le ministère de l’Education Nationale, qui jusqu’en 1932, s’appelait encore « de l’Instruction Publique », se devait donc de réagir. En 1961, on fixe le début des grandes vacances au 28 juin. La rentrée des classes se faisant aux alentours du 15 septembre. Soit un total de dix semaines de vacances. De quoi faire rêver nombre d’écoliers !

Dans les années 1980, la durée des grandes vacances est réduite à huit semaines. Les deux semaines de congés qui s’étalaient sur le début du mois de septembre sont déplacées à l’automne et prennent le nom de « vacances de Toussaint ».

Longues de dix ou de huit semaines, les grandes vacances demeurent, pour les jeunes Lorrains, un moment de joies simples et de bonheurs fugaces. Elles commencent toujours dans un brouhaha indécent, quand la dernière sonnerie annonce enfin deux mois de liberté.

Puis elles se poursuivent avec les lueurs magiques des feux d’artifice du 14 juillet, avec quelques baignades dans la rivière locale, quelques orages ou quelques jours passés loin du pays, sur un rivage ensoleillé ou au milieu de quelques montagnes dépaysantes. Elles continuent, ces grandes vacances, sous le Soleil d’août ou sur un air de fête. Et elles s’achèvent, toujours, sur ces notes mélancoliques qui sentent la poire trop mûre, le colchique et la mirabelle.

Sur le chemin de l’école ne restent plus, alors, que quelques souvenirs. Et l’indicible espoir de retrouver, aux prochaines vacances, la même joie. Le même enchantement.

Alors excellentes vacances aux bâcelles et raoudis de Lorraine, et à leurs enseignants !

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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