C’est la moisson ! La grande affaire de l’été ! Partout, dans nos champs, c’est un ballet de moissonneuses et de remorques. Pas grand-chose à voir avec les moissons de jadis. Ces dernières en effet avaient des allures d’épopée.
Ecoutons Jean Morette, le chantre du Pays-Haut, nous raconter ses souvenirs de moisson. Ils datent de l’entre-deux guerres :
« Les blés étendaient sur de longues parcelles leur somptueuses toison d’or roux. Leurs tiges rigides et serrées jaillissaient du sol craquelé. Par instants, une faible brise faisait courir d’amples moirures sur les orges et les seigles. Chaque brin d’avoine lançait son petit feu d’artifice.
La faucheuse-lieuse, dans un cliquetis de ferraille et un bruit de crécelle, fauchait les blés. Le va-et-vient rapide de la lame sectionnait la base des tiges et le blé tombait sur le tablier de toile, réuni en gerbes serrées puis liées et rejetées, par intervalles réguliers, sur le côté de la machine. Les moissonneurs, trempés de sueur, rassemblaient les gerbes en moyettes : neuf gerbes dressées, la dixième posée sur le faisceau en guise de chapeau.
Le champ était bientôt ponctué de ces petites meules échevelées, régulièrement disposées sur le chaume hérissé de pointes. La longue voiture à échelles descendait, bruyante, en cahotant sur les ornières du chemin. Arrivée au champ, un homme, debout sur son plateau, empilait les gerbes que lui lançait son compagnon d’un coup de fourche vif et précis. Le chargement devenait un énorme édifice de paille sous lequel la voiture disparaissait. Enfin, une corde tendue à l’aide du treuil placé à l’arrière maintenait les gerbes serrées.
Alors on rentrait lentement au village. Les chevaux, excités par les cris et les jurons, frappant de grands coups de sabots l’allée empierrée, allaient à reculons et roulaient la voiture qui pénétrait dans la grange en frôlant l’encadrement de pierre.
Les gerbes étaient déchargées dans l’ombre chaude et la récolte attendait le passage de la batteuse ou le long travail du manège et du van qui occuperait les jours d’hiver. Le soir venu, le village se réveillait. Les volets claquaient, les fenêtres s’ouvraient, les lampes s’allumaient. Après le souper, sur le seuil des portes, nos gens, fourbus, se reposaient et bavardaient un instant avant de sombrer dans le sommeil. »
Alors, courage à nos agriculteurs ! Et merci à eux !