Tout le monde a déjà entendu parler de Saint Eloi. A cause de la célèbre comptine qui nous apprend que sans ce personnage, le bon Roi Dagobert aurait toujours la culotte à l’envers. Mais si tout le monde a donc déjà entendu parler de Saint Eloi, qui connaît réellement cet ancien évêque de Noyon, devenu patron des orfèvres, des cloutiers, des serruriers ou encore des maréchaux-ferrants ? Et qui se souvient encore de l’important pèlerinage organisé jadis à Flastroff, le jour de la Saint-Eloi ?
D’après l’hagiographie officielle, Eloi serait né vers 588 dans une riche famille de l’actuel Limousin. Formé au métier d’orfèvre, il s’intéresse particulièrement aux saintes écritures. Alors qu’il n’est encore qu’un jeune homme, il quitte son Limousin natal et se rend à Paris, où le Roi mérovingien Clothaire II lui remet une grande quantité d’or, afin qu’il réalise un trône magnifique. Le jeune Eloi exécute sa mission sans dérober un seul gramme du précieux métal. Une habileté et une honnêteté qui vaudront à Eloi, les faveurs de son roi. Ce dernier confie en effet au jeune orfèvre différentes responsabilités. Tour à tour contrôleur des mines, grand argentier puis trésorier royal, Eloi finit par être élu évêque de Noyon en 641. Dès lors, il s’applique surtout à évangéliser les peuplades païennes des Flandres et de la Picardie.
Parce qu’il fut un orfèvre hors pair, Saint Eloi a su s’imposer comme le patron de nombreuses corporations. Il serait invoqué, par exemple, par les graveurs, les forgerons, les mécaniciens, les chaudronniers, les mineurs, les monnayeurs, les armuriers, les bourreliers, les voituriers, les charretiers, les laboureurs ou encore les vétérinaires ! Inutile de préciser que son culte était autrefois très populaire, dans notre région comme ailleurs. Et faisait du jour de la Saint-Eloi une fête toute particulière.
Une fête de laquelle il convient de dire quelques mots. Car lorsqu’on consulte un calendrier, même ancien, on s’aperçoit avec étonnement que Saint Eloi est fêté, dans la tradition catholique, le 1er décembre. Il n’y a pas d’erreur. La fête officielle du saint est bien placée au premier jour de décembre. Mais une autre tradition, qui commémore le transfert d’un de ses bras en la cathédrale Notre-Dame de Paris, fête Saint Eloi le 25 juin, à une période de l’année bien plus commode pour les pèlerinages.
Dans notre région, la Saint-Eloi a fait l’objet, dans le passé, d’un important pèlerinage. Chaque 25 juin en effet, le petit village de Flastroff, situé près de Sierck en Moselle, accueillait des fidèles venus de toute la Lorraine pour y faire bénir leurs chevaux. Ces derniers, qu’ils soient malades ou bien portants, chétifs ou vigoureux, faisaient le tour de la petite chapelle locale. Quand le fermier qui tenait son cheval par la bride arrivait devant les portes grandes ouvertes de la chapelle, il s’arrêtait un instant, esquissait une grande génuflexion avant de poursuivre la ronde autour du lieu de culte. Ceux qui ne pouvaient venir à Flastroff avec leur cheval se contentaient de déposer au pied de l’autel, une poignée de crin et quelques piécettes d’argent. Par ce geste naïf, ils espéraient gagner les faveurs de Saint Eloi et obtenir la guérison d’un précieux outil de travail.
On pourrait croire que cette tradition de la bénédiction des chevaux a disparu à mesure que l’automobile s’est démocratisée. En fait, il semblerait que le pèlerinage de Flastroff soit tombé dans l’oubli dès la fin du XIXème siècle. Dans son Dictionnaire des traditions populaires messines, Westphalen nous rapporte en effet que le pèlerinage de la Saint-Eloi était déjà en voie de disparition en 1865. Une vingtaine d’années plus tard, il est totalement oublié. Mais à bien y regarder, la coutume s’est simplement modernisée. Certains articles de presse nous indiquent en effet que le pèlerinage continue de se faire, avec quelques chevaux mais aussi en tracteur !
Preuve de l’attachement des habitants à cette coutume, la statue de Saint Eloi qui orne la chapelle vient de faire l’objet d’une restauration originale. Le Saint, qui avait perdu sa main droite peut de nouveau esquisser le geste de la bénédiction. A noter cependant que la main en question n’a pas été sculptée mais moulée dans un gant ! Une anecdote originale qui nous prouve qu’il suffit souvent de quelques bonnes idées pour mettre en valeur le patrimoine local.
Westphalen nous apprend également qu’autrefois, les serruriers messins avaient coutume de réaliser, chaque 1er décembre, une grille de fer finement ouvragée. Ils prenaient prétexte de la fête de leur saint patron pour défiler ensuite le long de la Fournirue, qui, au Moyen-âge, abritait principalement les orfèvres et les dinandiers, et pour gagner l’église Saint-Ferroy, dans laquelle se trouvait une chapelle dédiée à Saint Eloi. La grille était alors déposée et laissée aux regards des passants.
Curieux saint que cet Eloi. Invoqué par mille professions et fêté à deux reprises dans l’année ! Pour cette raison, on disait de lui qu’il était le saint gourmand car sa fête arrivait deux fois l’an. Son culte, autrefois populaire en Lorraine, est aujourd’hui totalement oublié. Sauf peut-être de deux ou trois orfèvres qui, à la Saint-Eloi, continuent d’aller dîner chez cet autre bourgeois.
Bonjour.
Je connais aussi la publication “Saint-Eloi Et Le Pelerinage Des Chevaux, De Flastroff En Lorraine (1888)”.
Sait-on quand, vers le 20e siècle, cette ancienne tradition, qui existe encore aujourd’hui, a été réactivée ?