Bien qu’ayant été remplacé dans nos calendriers modernes par Sainte Ella, Saint Sigisbert est bel et bien fêté le 1er février. C’est un saint royal, dont la vie, calme et pieuse, tranche nettement avec les mœurs de ses contemporains mérovingiens. Ses reliques, d’ailleurs, ont également connu une extraordinaire destinée. Jugez plutôt.
Sigisbert était le fils du Roi d’Austrasie Dagobert Ier. Royaume centré sur les vallées de la Moselle et du Rhin, l’Austrasie avait été créée à la mort de Clovis, en 511. Metz en était la capitale. Prince doux et pacifique nous disent les chroniques anciennes, Sigisbert, aussi appelé Sigebert, sut apporter le bonheur à ses peuples. Il mourut le 1er février 656 et fut inhumé à Metz, dans l’Abbaye de Saint-Martin qui se trouva par la suite placée sous la protection du Duc de Lorraine.
Or, pendant la Guerre de la hottée de pommes (1427-1429), ce dernier profita des troubles inhérents au conflit pour transférer le corps de Sigisbert à Nancy, où il fut déposé dans l’église du Prieuré Notre-Dame. Le procédé était fréquent. Sous couvert de protéger la dépouille d’un saint, il arrivait en effet que les grands de ce monde récupèrent quelques ossements ou quelques objets destinés à accroître le prestige de leur capitale. Mais aussi à en favoriser l’essor économique. Car plus la relique était précieuse et plus elle attirait de pèlerins et donc de consommateurs prompts à dépenser leurs deniers.
En 1552, l’Abbaye de Saint-Martin devant Metz fut détruite sur les ordres de François de Guise, afin qu’elle ne serve pas de base d’appui aux troupes de Charles Quint qui tentaient de reconquérir la ville qui venait tout juste de s’offrir à la France. Dans le Duché de Lorraine, qui demeurait indépendant, Saint Sigisbert commençait à jouir d’une réelle popularité. Les ducs, ne craignant ni l’amalgame, ni l’anachronisme, en profitent alors pour faire de l’ancien Roi d’Austrasie le saint patron de leur capitale et allant jusqu’à le qualifier « d’ancien Duc de Lorraine » !
Un petit peu oublié aujourd’hui, Saint Sigisbert continue cependant d’être honoré à Nancy, chaque 1er février, où une messe lui est consacrée. Un établissement scolaire privé, à Nancy, a également été baptisé du nom du saint roi.
Sans vouloir ranimer la Guerre de la hottée de pommes, qui opposa donc, au début du XVème siècle, les Messins aux Lorrains, rappelons tout de même que les Nancéiens ont choisi comme saint patron un roi qui régna à une époque où Nancy n’existait pas. Un roi qui, en outre, était peut-être aussi attaché à Metz que les Nancéiens restent attachés à leur Place Stanislas ou à leurs bergamotes.