Voici une petite histoire de casque à pointe en patois lorrain de la Fensch, plus précisément en patois de Fontoy. Pour comprendre la subtilité de cette histoire, il faut savoir qu’en ce temps-là, on appelait les Allemands, les têtes carrées !
Ine (h)istoire dè Pique
Ç’qué j’vâs v’racontay est absolument vrâ. C’èteut dans in café d’Fontoy, vers 1885. Lé gendarme Reiss, pou n’pwèt l’nommay, faiyeut admiray au mâte-menuisier J. A., pou l’nommay, sé nieu(f) casse, qu’i v’neut dé r’cèvoir lé jou-même.
– « Il est bé, qu’il ajouteut, seulement i m’fât mau sus les cotays dé la tête, il est in pô trop jusse ».
Mé rigolo dé menuisier prend l’pique, lé r’tône dans tous les sens, en j’tant in côp d’oeil moqueur sur la boule don boche, et dèclâre sans rire :
– « Cé n’est m’ètonnant qué vote couvre-chôse vès fât mau, comment diâbe aussi v’ont-ti foutu in casse rond pou ène tête cârraye ! »
L’aute è ri jaune, enfin quoi il è ri tout d’même, comme quand on s’brûle. Si la p’tiote affaire s’aveut passaye aussi bin en 1914, note camarade J. A. n’aureut-m’ fât long fû à Fontoy, il aureut ètu lestement enlevay, en compagnie d’autres qui n’en avint-m’ tant dit, mais qu’en pensint plus’.
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Une histoire de casque à pointe
Ce que je vais vous raconter est absolument vrai. C’était dans un café de Fontoy, vers 1885. Le gendarme Reiss, pour ne point le nommer, faisait admirer au maître-menuisier J. A., pour le nommer, son casque neuf, qu’il venait de recevoir le jour même.
– « Il est beau », ajouta-t-il, « seulement il me fait mal sur les côtés de la tête, il est un peu trop juste ».
Mon rigolo de menuisier prend le casque à pointe, le retourne dans tous les sens, en jetant un coup d’œil moqueur sur la tête du boche, et déclare sans rire :
– « Ce n’est pas étonnant que votre couvre-chef vous fait mal, comment diable aussi vous ont-ils fichu un casque rond pour une tête carrée ! »
L’autre a ri jaune, enfin quoi il a ri tout de même, comme quand on se brûle. Si la petite affaire s’était passée aussi bien en 1914, notre camarade J. A. n’aurait pas fait long feu à Fontoy, il aurait été lestement enlevé, en compagnie d’autres qui n’en avaient pas tant dit, mais qui en pensaient plus.
Sources :
J.-P. Leclère,
Fontoy, lé 6 don mois d’Mârs 1921
Le Messin, 11 mars 1921
Notre Terre Lorraine, mars 1921