Le 30 décembre 1115 décédait Thierry le Vaillant, fils de Gérard de Châtenois, et bienfaiteur de Neufchâteau.
Thierry II d’Alsace, dit le Vaillant, né entre 1040 et 1050, mort le 30 décembre 1115, fut Duc de Lorraine de 1070 à 1115. Il était le fils de Gérard de Châtenois, dit d’Alsace, Duc de Lorraine, et d’Hedwige de Namur.
Successeur de son père en tant que Duc de Lorraine, il s’employa à développer ses Etats en poursuivant la politique de celui-ci. Désireux d’étendre et d’enrichir sa résidence de Nancy, il y fonda en 1080 le Prieuré Notre-Dame. Situé près de l’actuelle Place de l’Arsenal, cet établissement bénédictin dépendant de Molesme, fut le premier de la ville. Bien que le complexe monastique ait été détruit à la révolution, le portail de l’église a été conservé et se trouve aujourd’hui au Musée Lorrain, où il constitue un des rares vestiges romans de la capitale ducale.
C’est à la fin du XIème siècle qu’il fonda sur le site qui devint Neufchâteau, un « novum castrum », d’où le nom de la ville, composé d’un château, de fortifications, d’une église, placée sous le patronage de Saint Nicolas, et d’un prieuré. A ce moment-là, la paroisse Saint-Christophe existait déjà. Plus tard furent construits un marché et un atelier monétaire qui contribuèrent à la prospérité économique de la ville. Situé au confluent de la Meuse et du Mouzon, à proximité de la voie romaine Langres-Trêves, c’était un endroit idéal pour établir une présence lorraine en direction de la Champagne et pour abriter une population marchande.
Le Duc mourut donc le 30 décembre 1115. Son lieu de sépulture n’est pas connu avec certitude. Les historiens lorrains mentionnent à la fois le Prieuré Notre-Dame de Nancy, dont il était le fondateur, et le Prieuré Saint-Pierre de Châtenois, que sa mère Hadwide de Namur avait fondé vers 1069 et où elle avait été inhumée. La seconde hypothèse a été privilégiée à partir du XVIIème siècle. On montrait ainsi dans le cloître du prieuré de Châtenois une sépulture anépigraphe portant une effigie que l’on disait être celle de Thierry II qui a été détruite à la révolution. C’est pour cette raison qu’il n’en reste plus qu’une gravure du XVIIIème siècle.
En 1812 puis en 1818, l’Empereur François Ier d’Autriche, descendant des Ducs de Lorraine, fit procéder à des fouilles dans les ruines du prieuré pour retrouver les restes princiers. On trouve encore aujourd’hui des mentions de ces fouilles dans les archives de la commune de Châtenois et dans le Procès-Verbal de ces fouilles conservé aux Archives des Vosges (8. T. 3. 1818 ; 6, 7 et 8 août), ainsi :
« Ce jour six août de l’an 1818, nous, Charles Joseph Alexandre Gérardin, Maire de Neufchâteau et commissaire délégué par Monsieur le Préfet des Vosges pour faire des recherches des tombeaux qui peuvent encore renfermer des restes des Princes de Lorraine dans ce département, nous étant transporté à Châtenois, chef-lieu de Canton de l’Arrondissement de Neufchâteau. Après nous être présentés chez M. le Maire et M. le Curé de cette commune pour leur donner communication des lettres de commission dont je suis porteur, j’ai prié ces messieurs de vouloir bien m’accompagner dans des recherches que j’allais faire aux environs et dans l’intérieur de l’église, appartenant autrefois au prieuré de Châtenois, à quoi ayant obtempérés nous avons procédé ainsi qu’il suit :
Continuant à faire travailler sous une arcade voisine et de forme ogive, où était placée une statue, dans le même temps que la précédente, représentant Thierry ou Théodoric, second Duc de Lorraine, ainsi qu’il est rapporté dans l’Histoire de Lorraine de Dom Calmet, nous trouvâmes son cercueil formé d’une seule pierre de deux mètres de long, 55 centimètres de hauteur sur 66 centimètres de largeur à la tête et 32 au pied, placé vers l’Orient, il était sans couvercle et rempli de décombres. Après l’avoir fait totalement vider, nous n’aperçûmes pas un seul os humain, ni aucune espèce d’autre vestige. Je regardais qu’il avait été fracturé dans la partie postérieure, sans doute lorsqu’il fut spolié. Ayant fait creuser autour, nous trouvâmes immédiatement devant ce cercueil et à la même profondeur, les os d’un seul individu qui appartenaient à un homme, mais tellement identifié avec la terre qui les contenait que nous n’avons pu les retirer que par morceau. La tête, dont la forme était empreinte dans la terre glaise, tomba en morceau en la touchant ; enfin l’état de ces os extrêmement friables atteste une grande antiquité. Nous pensâmes, d’un commun accord, que ces restes ne pouvaient être que ceux du Duc Thierry, renfermés primitivement dans ce cercueil et déposés à côté, lors de la violation de ces tombeaux dans des temps fort éloignés, pour s’emparer de ce qu’ils pouvaient renfermer de précieux. Ce qui contribue à nous le persuader, c’est que ces os n’étaient point placés dans l’ordre où ils sont ordinairement lorsqu’un corps a été inhumé immédiatement après le décès, car les os des cuisses et des pieds se trouvaient avec la tête, ceux des bras et des jambes étaient à côté, et une partie de la mâchoire inférieure garnie encore de deux dents incisives n’étaient point avec la tête. Je fis continuer les fouilles aux environs de ce tombeau et nous ne trouvâmes aucun cercueil ni d’autres ossements ; il est certain qu’on n’aurait point apporté d’autres os dans un lieu de sépulture qu’on savait appartenir à ces princes et qu’on n’aurait point creusé devant ce cercueil reconnu pour être celui du Duc Thierry, contre la même pierre et au niveau du fond de ce cercueil pour y déposer lesdits os. Après avoir recueilli ces restes, aussi bien qu’il a été possible dans cette terre argileuse, je les ai rassemblés avec respect dans ledit cercueil de pierre, que j’ai fait recouvrir de larges carreaux de taille, en présence des dénommés ci-dessus, par les ouvriers Etienne Mourot de Neufchâteau et [Nivel] dit Lusignant de Châtenois qui ont signé avec nous. »
D’après ce texte des archives départementales, Thierry le Vaillant, son épouse Gertrude de Flandres et Hadwide de Namur sa mère, seraient encore de nos jours quelque part enterrés dans le prieuré de Châtenois. A suivre.