Il y a bien longtemps de cela, les habitants de la haute Vallée du Rabodeau, dans les Vosges, avaient coutume de se réunir, chaque année au mois d’août, dans une charmante plaine coincée entre deux montagnes, à quelques encablures au Sud du Donon. C’est là que se tenait une grande foire, également marquée par une messe très solennelle. Comme toutes les années, les gens étaient accourus en masse pour assister à cette foire. Tous les gens de la vallée. Et même de plus loin, car il y avait un personnage, de petite taille et tout de rouge vêtu et qu’on n’avait jamais vu dans les parages. Il était ménétrier et il se proposa de jouer quelques airs sur son joli violon. A peine avait-il commencé à jouer que les gens, comme envoûtés, se mirent à danser. Des gigues, des bourrées, des cercles circassiens et même quelques soyottes, typiques aux Hautes-Vosges.
Or, la cloche sonna, qui appelait les fidèles à la messe. Une première fois. On peut encore danser un peu, se dirent les badauds. Et puis la cloche sonna une deuxième fois. Les gens dansaient toujours, au milieu de la plaine, ensorcelés qu’ils étaient par les airs mélodieux qui s’échappaient de l’étrange instrument. La cloche sonna une troisième fois. Personne n’alla à la messe. C’est alors que, subitement, le ciel devint noir et il se mit à tomber des trombes et des trombes d’eau. La terre trembla et les danseurs, en un instant, furent engloutis au fond d’un lac que la pluie venait de former au creux du beau vallon.
Ce lac, mes amis, existe toujours. On lui a donné le nom de Lac de la Maix. C’est un endroit étrange, perdu dans le Massif du Donon. On raconte que, par certaines journées d’été, on peut voir dans ses eaux nager deux gros poissons. L’un porterait, sur son front, la forme d’un violon. Et l’autre, une tache dorée, en forme de cloche.