C’était au temps où Stanislas régnait sur les Duchés de Lorraine et de Bar. Roi de Pologne déchu de son trône, empereur des gourmets et princes des philosophes, il avait l’habitude de donner, dans ses châteaux de Lunéville et de Commercy, de somptueux banquets auxquels assistaient une cour aussi fastueuse que raffinée.
Un beau jour d’été, Stanislas organisa une impressionnante réception au Château de Commercy. Le repas était grandiose. On avait servi des tourtes et des pâtés, des volailles rôties, du gibier et des potages, des charcuteries et quelques brochets fraîchement pêchés dans la Meuse. On s’apprêtait à servir le dessert, une magnifique pièce montée qui, hélas, était en train de s’affaisser dangereusement, en raison de la chaleur. Voyant que son chef d’œuvre était en péril, le pâtissier, de rage, envoya le dessert valdinguer dans toutes les cuisines. Sa colère fut immense. Et elle priva, de fait, les convives de dessert.
Or, comme il était impensable de ne pas servir de dessert aux invités du Roi Stanislas, il se trouva une jeune servante qui, en deux temps, trois mouvements, confectionna des petits biscuits qu’elle fit cuire dans des coquillages. Les biscuits, fondants et particulièrement savoureux, plurent énormément aux invités. Stanislas fit d’ailleurs appeler la jeune cuisinière pour la féliciter car il n’avait jamais rien goûté de meilleur.
– Comment se nomme ce petit délice ?, demanda le Roi Stanislas.
– Oh ! c’est trois fois rien, répondit la jeune servante. C’est un biscuit que ma grand-mère me faisait. Je ne lui connais pas de nom.
– Trois fois rien, c’est toujours mieux que rien, déclara le roi. Comment vous nommez-vous, jeune fille ?
– Madeleine !
– Eh bien que ce biscuit prenne le nom de Madeleine !
Et c’est ainsi que seraient nées les succulentes Madeleines de Commercy. Un vrai délice, foi de Lorrain !