La Gare de Boulay a connu un important trafic ferroviaire de 1873 à 1986. 320 000 prisonniers soviétiques y ont transité entre 1941 et 1944. Afin de pas oublier la tragédie du Ban-Saint-Jean, l’Association Franco-Ukrainienne pour la réhabilitation du charnier du Ban-Saint-Jean (AFU) vient d’y installer un panneau souvenir.
Après l’inauguration d’un chemin pédagogique menant à la stèle de l’ancien camp du Ban-Saint-Jean en juin 2014 puis l’implantation en novembre 2019 d’un panneau relatant l’historique du Quartier Grossetti, c’est devant l’ancienne Gare de Boulay qu’a été implanté un panneau explicatif retraçant les heures sombres de ce site. Trois lieux marquants de la vie boulageoise en souvenir de cette triste période des années 1940. Sites pour lesquels l’AFU (Association Franco-Ukrainienne pour la réhabilitation du charnier du Ban-Saint-Jean) a œuvré avec opiniâtreté.
Bolchen
Récemment, des membres de l’AFU, en partenariat avec la municipalité de Boulay, ont installé un panneau souvenir face à l’ancienne Gare de Boulay, devenue résidence privée. Outre les renseignements historiques, on y trouve un plan détaillé des différents lieux qu’ont connus les prisonniers débarqués à la gare de « Bolchen », nom qu’avait donné l’occupant allemand à Boulay. Que les prisonniers soviétiques découvraient en sortant de leurs wagons à bestiaux de 1941 à 1944. Ils ont été 320 000 dans ce cas, venant des pays de l’Est, après un voyage interminable sans alimentation. Les témoins décrivent des cortèges de morts-vivants qui se traînent à pied vers le camp du Ban-Saint-Jean, à cinq kilomètres, où, après désinfection et établissement de leur dossier, une première sélection était effectuée vers les affectations en commandos de travail. Les plus faibles restaient sur place et se refaisaient une santé chez les paysans du secteur. Mais, beaucoup de ces prisonniers malades sont morts à l’hôpital militaire de la caserne du Quartier Grossetti (« Feldlazarett »). Les autorités nazies avaient réquisitionné et profané l’extension du cimetière israélite, située juste en face de la caserne : pratique pour l’occupant de venir y déverser tous les jours des charrettes remplies de victimes. Devant la brutalité de cet accueil, de jour, les riverains se sont plaints auprès des autorités nazies qui, par la suite, se sont débrouillées pour faire arriver les convois de nuit, sans témoins.
Une histoire dramatique et tragique à rappeler
Le camp du Ban-Saint-Jean est situé à cinq kilomètres de Boulay sur le ban communal de Denting. La construction de ce camp de 88 hectares s’inscrivait dans la stratégie de la Ligne Maginot. Inauguré en 1937 par le président Albert Lebrun, le camp sera progressivement transformé jusqu’à l’automne 1941 en lieu de détention pour les prisonniers français, parmi lesquels le sergent François Mitterrand. L’histoire dramatique et tragique du Ban-Saint-Jean commence le 22 juin 1941 avec l’invasion de l’URSS par la Wehrmacht dans le cadre de l’Opération Barbarossa. 320 000 prisonniers soviétiques vont être envoyés vers la Moselle annexée. En novembre 1945, plus de 20 000 corps sont décomptés par une commission franco-soviétique, s’ajoutant aux 3 600 victimes répertoriées au cimetière de Boulay.
Le chemin de fer à Boulay
Le chemin de fer ne passait pas encore en Pays de Nied. Un arrêté du 15 août 1842 ordonne l’étude d’un embranchement de la voie ferrée Paris-Strasbourg de Metz jusqu’à Forbach. Deux projets sont présentés. Le premier reliait directement Boulay à Metz, le second partait de Courcelles-sur-Nied vers Boulay en passant par Courcelles-Chaussy. Ce dernier tracé, des ingénieurs Raillard et Le Joindre, est retenu. Le Conseil Général de la Moselle, dans sa session extraordinaire d’avril 1868, l’accepte et le 27 août, est concédé à la Société Belge de Chemins de Fer, à titre provisoire, un chemin de fer d’intérêt local de Metz à Boulay et Téterchen. Quand la Guerre de 1870 éclata, le tronçon Courcelles-sur-Nied était commencé depuis un an et les travaux reprirent après les hostilités. Cette ligne régionale a été étudiée et amorcée par l’administration française et a été achevée par l’administration allemande. Le 15 juin 1873, la partie Courcelles-Boulay a été mise en service sur 22 kilomètres et la seconde partie, Boulay-Téterchen, de neuf kilomètres, ne fut ouverte que le 15 octobre 1876. Le doublement des voies n’a été réalisé qu’en 1888. L’ensemble compte 31 passages à niveau, soit un tous les 950 mètres de voie et 7 stations, Boulay étant la cinquième.
La station de Boulay
Ces grands travaux avaient beaucoup inquiété les riverains et de multiples interventions tentèrent de modifier le projet, que ce soit à Loutremange ou à Condé-Northen. Quant aux Boulageois, ils se demandaient pourquoi la gare était prévue aussi loin de la ville. En 1914, sept omnibus parcouraient la ligne dans les deux sens. De 1915 à 1918, c’est sur cette ligne que Robert Schuman faisait quotidiennement le trajet entre Metz et Boulay pour venir travailler à la sous-préfecture, soit plus de 2h30 de train. En 1935, il a été question de priver de train Boulay, ville de garnison. Mais après la protestation des 180 commerçants et une pétition, tout est rentré dans l’ordre. Avant 1939, un embranchement a été construit entre Loutremange et Volmerange pour accueillir de l’artillerie lourde sur rail. Ainsi, en mai 1940, un gros canon de calibre 400 a tiré trente obus de 900 kg sur les aciéries de Völklingen. Pendant près d’un siècle, la ligne Metz-Téterchen a rendu les plus grands services à la région. Une statistique de 1911 à 1913 plaçait cette ligne dans la tranche des 75 000 à 100 000 billets vendus. Ainsi le premier train entrant dans la nouvelle Gare de Metz le 17 août 1908, le 1111, venait de Sarreguemines, Hargarten et Boulay. Le premier train qui en soit parti était le 1112 pour Boulay et Hargarten.
2 octobre 1986 : la fin d’une époque
La période moderne n’était plus propice aux petits trains d’intérêt local. La première voie a été démontée en 1944 par les Allemands pour être utilisée sur le front russe. Le trafic de voyageurs fut supprimé en novembre 1948 et la mise à voie unique fut réalisée en 1950. La fermeture du trafic de marchandises avec déclassement des voies se fit ensuite par étapes : Courcelles-Chaussy-Boulay en 1960, Boulay-Téterchen en septembre 1985. Le dernier convoi, une motrice et un wagon, a circulé le 2 octobre 1986 et les voies furent démontées en février 1987. La Ville de Boulay profite alors de ce tracé pour en faire en 1988 une voie de contournement de 2,5 kilomètres. Le Pays de Nied a donc été desservi par le chemin de fer pendant à peine un siècle.
Article rédigé avec l’aide de la Société d’Histoire et d’Archéologie de la Nied et de l’Association Franco-Ukrainienne pour la réhabilitation du charnier du Ban-Saint-Jean.
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Tout peut recommencer et il faut en être bien conscient.
Le pire, c’est l’oubli; encore faut il être informé. Moi même, je viens seulement de prendre connaissance de cette histoire , j’ai 71 ans et suis messin.
J’ai pu me rendre compte de l’horreur en me rendant sur place hier pour la première fois.
Je n’en avais jamais entendu parler et pourtant j’ai parcouru les routes de Moselle pendant plus de 15 ans.