A Nancy, la Rue Saint-Jean reste la principale artère commerçante de la ville. D’autres noms de lieux comme la Rue du lavoir Saint-Jean ou la Place de l’Etang Saint-Jean sont situés à proximité du centre-ville. Ces dénominations tirent leur origine de l’ancien Etang Saint-Jean qui s’étendait de la Commanderie Saint-Jean au quartier de la gare.
Dans la continuité de l’urbanisation et de l’agrandissement de Nancy à différentes périodes, les derniers travaux de drainage ont été effectués entre 1846 et 1847. Le lavoir Saint-Jean, situé à l’emplacement de la rue éponyme, bordait ce grand étang. On y avait accès par le Chemin Saint-Jean, qui aujourd’hui correspondrait à l’Avenue Foch et à la Rue de la Commanderie. La construction de la Gare de Nancy a définitivement conduit à la suppression de toute trace de cet étang dans le paysage. Cela dit, les ruisseaux parcourant la ville ont subsisté, avec parfois des déviations très complexes et la planification de grands travaux de canalisation.
A Nancy, comme nous l’avons vu, bon nombre de lieux tirent leur nom de l’historique Etang Saint-Jean. Jusqu’au XVIIème siècle, il n’y avait qu’un paysage de campagne, de prairies et de pâturage dans l’actuel quartier Commanderie-Croix de Bourgogne, qui abritait l’embouchure Ouest de l’étang qui était lui-même alimenté par les ruisseaux en provenance du Plateau de Haye et de Villers à l’Ouest de Nancy. Pour comprendre l’importance de cet étang, il faut d’abord remonter à l’an 1596. Le Duc de Lorraine Charles III entreprit un projet inédit de construction d’une ville nouvelle aux abords de la vieille ville médiévale. Le plan en damier de construction de la ville est inspiré du modèle romain, un modèle qui retrouva d’ailleurs un certain intérêt à la Renaissance. A cette époque, la Rue Saint-Jean était la principale voie de communication de la Ville-Neuve. Cet axe suivait un cours d’eau qui se jette dans la Meurthe à l’Est, à savoir le ruisseau Saint-Jean, qui tirait lui-même son nom de l’étang éponyme situé plus à l’Ouest. Il faut imaginer les barques qui circulaient sur ce ruisseau qui est aujourd’hui canalisé sous le béton épais de la Rue Saint-Jean.
Nancy est un lieu de marais. Son nom proviendrait du celte « Nant », qui signifie marais, qui a été latinisé en « Nancium ». Cette cuvette ne connut d’importance qu’à partir du VIIIème siècle avec l’établissement d’un gué pour franchir les ruisseaux et améliorer la circulation dans ces terres boueuses et marécageuses. Au XIIème siècle, ce fut la fondation d’une commanderie de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem qui a probablement donné son nom à l’étang à proximité, qui permit l’arrivée des premières grandes installations et activités commerciales dans cette « cuvette ». Dans les années 1470, la Bourgogne, alors à son apogée territoriale, souhaite connecter le Nord de son territoire, qui s’étendait jusqu’en Frise (Pays-Bas), et le Sud de ses terres qui courraient jusque dans le Charolais. Problème, un obstacle s’y oppose : la présence du Duché de Lorraine en plein milieu de l’espace bourguignon que Charles de Valois-Bourgogne, dit le Téméraire, voulait unifier en absorbant le duché. En 1476, Charles, « Grand-Duc d’Occident », fait le siège de Nancy, capitale ducale, en positionnant la majorité de ses troupes aux bords de l’Etang Saint-Jean. Le jeune Duc de Lorraine René II monta à l’assaut et vainquit Charles devant les portes de la ville, mettant fin au projet expansionniste de celui-ci qui visait à créer un vaste Etat bourguignon entre le Saint-Empire et le Royaume de France. Charles mourut près des berges de l’Etang Saint-Jean. On retrouva son corps deux nuits après la bataille, en état de décomposition, mutilé par un combat acharné et démembré par les loups qui l’avaient rendu difficilement identifiable. René II édifia à l’emplacement même de la mort de son rival une Croix d’Anjou, symbole de ses ancêtres et qui deviendra plus tard celui de toute la Lorraine. La croix a disparu au cours du temps. Elle a depuis été remplacée par un monument et une place : la Place de la Croix de Bourgogne. Avec l’arrivée du chemin de fer, l’étang historique disparût vers la moitié du XIXème siècle. A son l’emplacement sont construits des quartiers résidentiels.
D’un point de vue géographique, l’Etang Saint-Jean était alimenté par de vastes ruisseaux qui s’écoulent des plateaux à l’Ouest de la ville. L’étang était en quelque sorte le point de rencontre de ces ruisseaux et le trop plein prenait la direction du ruisseau Saint-Jean qui se déversait à ciel-ouvert dans la Meurthe. Nancy et toute sa couronne périurbaine est sillonnée de cours d’eau qui ont pour destination finale la Meurthe. Parmi ceux-ci, on retrouve notamment les ruisseaux de Saurupt, de Nabécor et de l’Asnée. Tous se rejoignent dans le quartier Médreville-Place des Ducs de Bar pour se jeter dans le grand ruisseau Saint-Anne, qui lui-même s’écoulait dans l’Etang Saint-Jean. Selon les dires, le canal souterrain du ruisseau Saint-Jean serait toujours navigable en barque. Il y aurait sous l’Hôtel de Ville de Nancy, Place Stanislas, un accès à ce ruisseau canalisé, comme d’ailleurs dans d’autres bâtiments au travers de la ville. Il se pourrait même que le ruisseau Saint-Jean ait été emprunté par les résistants durant la Seconde Guerre mondiale comme voie de circulation et de ravitaillement pour la population nancéienne.
Bon article. C’est vrai que l’on a du mal à s’imaginer qu’il y a à peine 150 ans, cette zone ultra-urbanisée était baignée par un étang et des paysages ruraux. Dommage qu’il n’existe pas de photos de cette époque. Ou même si il en a existé, elles ont disparu…