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Du Traité de Francfort en 1871

Proclamation de l'Empire allemand dans la Galerie des Glaces du château de Versailles, le 18 janvier 1871. Peinture d'Anton von Werner, 1885

C’était il y a 150 ans. Le 10 mai 1871, à Francfort, dans un des salons feutrés de l’Hôtel du Cygne, les plénipotentiaires français, au premier rang desquels figuraient les ministres Jules Favre et Augustin Pouyer-Quertier, rencontraient leurs homologues prussiens et notamment le Prince Otto von Bismarck. L’enjeu était de taille. Il s’agissait en effet de ratifier un traité officialisant l’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine au tout jeune Empire allemand.

C’est la mort dans l’âme que les ministres français signent ce traité. Un texte qui, d’ailleurs, ne laisse rien au hasard. A commencer par la nouvelle frontière entre les deux Etats. Cette ligne court de Rédange, aux confins du Luxembourg, jusqu’à Réchésy, à la frontière suisse. Elle arrache à la France, cette frontière, tout ou partie des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de la Moselle, de la Meurthe et des Vosges. Au total, c’est un territoire de près de 15 000 kilomètres carrés et peuplé d’environ 1,9 million d’habitants que l’Allemagne entend ainsi annexer. Une province fertile, ponctuée de mines et d’aciéries, d’usines textiles et de villes fortifiées et que le jeune Empire allemand appellera Reichsland Elsass-Lothringen.

Francfort
Négociations et signature du Traité de Francfort à l’Hôtel du Cygne

Officialisée il y a donc tout juste 150 ans, cette frontière franco-allemande a bien évidemment laissé des traces dans le paysage de nos provinces de l’Est. Des bornes-frontières, frappées d’un F (pour France) et d’un D, sur l’autre face, pour Deutsches Reich. Des poteaux frontières, aussi. Des postes-frontières, devant lesquels on venait prendre la pause et se faire photographier, pour fanfaronner un peu et dire au cousin : « un jour, on ira reprendre l’Alsace-Lorraine aux Allemands ».

Mais la frontière officialisée par le Traité de Francfort, c’est aussi la naissance de deux mondes, qui s’opposent, ou se complètent. C’est Metz, qui devient la vitrine du Reich et Nancy, qui double sa population, attire des industriels et des artistes qui feront de la vieille capitale ducale la première ville de l’Est de la France, dans laquelle s’incarne le « bon goût latin » et les sentiments les plus patriotiques. La frontière tracée en 1871 à Francfort créera aussi une Lorraine où l’on connaît le Droit Local et une autre qui peste, chaque Vendredi Saint, quand les « 57 » viennent faire leurs courses à Nancy ou dans le Pays-Haut.

Il y a 150 ans, la signature du Traité de Francfort allait tracer, dans nos provinces, une ligne aux allures de balafres. Une cicatrice sur le visage de la terre la plus usée de France, pour reprendre le mot de Barrès. Mais une cicatrice qui fait, en grande partie, l’identité et l’âme même de notre région.

N’oublions pas ! C’était il y a 150 ans.

Rédigé par Kévin GOEURIOT

Historien de la Lorraine, écrivain et professeur d’histoire-géographie pour le Groupe BLE Lorraine.

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