De la même manière que les Champs Elysées, à Paris, passent pour être la plus belle avenue du monde, la Place Stanislas, à Nancy, serait la plus belle place de la planète. Serait … Il faut probablement garder ici le conditionnel. Car à la Place Stanislas, les Parisiens préfèreront sans doute la Place Vendôme, les Russes la Place Rouge, les Italiens la Place Saint-Marc ou la fameuse Piazza Navona.
Mais qu’importe après tout ! Pour les Lorrains, et a fortiori pour les Nancéiens, la Place Stanislas est bien la plus belle du monde. Elle permet à la vieille capitale du Duché de Lorraine de se faire connaître dans la France entière, voire au-delà. Si bien que quelques mauvaises langues vont jusqu’à dire qu’en dehors de cette fameuse Place Stan’, il n’y a pas grand-chose à voir à Nancy.
Restons objectifs. Sans entrer dans le débat, demandons-nous simplement ce qui peut bien faire le charme de la Place Stanislas. A première vue, rien de transcendant. Quasiment aucun arbre. Une place très minérale donc, entourée de bâtiments classiques, rehaussés de balustrades elles-mêmes ornées d’angelots et de pots à feu. Deux fontaines, un peu trop baroques. Des grilles dorées à chaque entrée de la place et, au milieu de tout cela, la statue d’un Stanislas dodu, dont le doigt, pointé vers le Nord, indiquerait, d’après les mêmes mauvaises langues, la direction du quartier des dames de petites vertus. C’est une manière de voir les choses. Une manière très messine au fond. Car c’est bien connu, les Messins jalousent les Nancéiens … Et vice-versa.
Bon, pour la deuxième fois, essayons de rester objectifs. La Place Stanislas, c’est d’abord et avant tout un trait d’union. Une sorte de pont, jeté entre la vieille ville médiévale de Nancy et la ville neuve, érigée sur les ordres du Duc Charles III, à la fin du XVIème siècle. Construite au cœur de la cité, elle est, à l’origine, une place royale. Un acte d’allégeance de la Lorraine, envers le Royaume de France qui s’apprêtait à l’annexer. D’ailleurs, à l’origine, ce n’était pas le bon Stanislas qui trônait au milieu de la place, sur son piédestal, mais une statue de son gendre, le Roi Louis XV, représenté avec sa perruque et dans un déhanché qui illustraient bien la vanité des ambitions françaises.
Mais pour toute française qu’elle se voulait être, la Place Stanislas n’en demeurait pas moins l’œuvre d’artisans lorrains. Aménagée entre 1751 et 1755, elle est principalement l’œuvre de l’architecte nancéien Emmanuel Héré. D’instinct, celui-ci rassemble, autour d’une place qui doit servir de carrefour au cœur de la ville, plusieurs bâtiments administratifs et culturels. L’Hôtel de Ville, l’Hôtel des Fermes (actuel Opéra National de Lorraine), l’Académie de Médecine (actuel Musée des Beaux-arts) et plusieurs autres pavillons, dont deux, de taille plus modeste, qui ouvrent une perspective sur un élégant arc de triomphe derrière lequel s’étire la Place de la Carrière. Dans les coins Nord de la place, deux fontaines monumentales viennent embellir les lieux. Les sculptures, de style rococo, sont dues au talent de Barthélémy Guibal. L’une représente Neptune, dieu romain des mers et des océans. L’autre, la Néréide Amphitrite qui, selon la mythologie antique, n’était autre que l’épouse de Neptune-Poséidon. Ces fontaines enfin, comme chacune des six entrées qui mènent à la place, sont ornées de grilles dont les volutes dorées ont fait la réputation de Nancy. Elles sont l’œuvre de Jean Lamour, un ferronnier d’art au talent mondialement reconnu.
La place, inaugurée le 26 novembre 1755, est pourtant boudée, à l’origine, par les Lorrains qui, ayant bien remarqué les petites fleurs de lys cachées, çà et là, dans le décor, y voient un affront à leur indépendance. Pendant la révolution française, la Place Royale change de nom. Baptisée « Place du peuple » en 1792 (la statue de Louis XV est détruite à cette occasion), puis « Place Napoléon » en 1804, elle ne devient « Place Stanislas » qu’en 1831. Cette année-là, on inaugure une nouvelle statue au milieu de la place. Une statue qui rend hommage à Stanislas Leszczynski, Roi de Pologne devenu Duc de Lorraine, le dernier à avoir régné sur le duché.
Malgré le talent des architectes, sculpteurs et ferronniers d’art, la Place Stanislas est encore loin de devenir la plus belle du monde. Ouverte à la circulation, elle ressemble à un vaste rond-point. De 1958 à 1983, la municipalité de Nancy autorise même le stationnement des véhicules sur la place ! Se garer Place Stan’ ! Cela paraît si inconcevable aujourd’hui.
Car le lieu, fort heureusement, a fait l’objet d’une importante campagne de réhabilitation en 2005, à l’occasion du 250ème anniversaire de son inauguration. Restaurée selon un tableau d’époque, elle est aujourd’hui un atout de charme pour la cité, une vitrine du savoir-faire lorrain. Un témoin unique de l’art classique dans l’Est de la France. Et aussi, un véritable forum pour les Nancéiens, qui ont coutume de se donner rendez-vous Place Stan’, avant d’aller boire un verre au Jean Lamour, la brasserie locale, en terrasse de laquelle chacun convient généralement que la Place Stanislas est peut-être bien … la plus belle du monde.